Native de Neuchâtel, Emilienne Farny étudie la peinture à l’ECAL (Ecole Cantonale d’Art de Lausanne), puis s’installe durant dix ans à Paris où elle découvre le Pop art. C’est là qu’elle commence à prendre des photos de scènes et d’objets quotidiens pour les peindre ensuite à sa façon. Ici, la mutation des paysages urbains en remaniement: constructions et chantiers.

« Les penseurs mettent au jour ce qui se cache. Moi je m’intéresse à ce qui se voit »
Elle revient en Suisse à l’âge de 35 ans et se met à peindre une série intitulée Le Bonheur suisse où elle représente ce côté « propre en ordre » et assez insipide des maisons bourgeoises implantées dans la région. Ses tableaux semblent peints avec autant d’application que les propriétaires des maisons entretiennent leur pelouse. Ces deux maigres sapins pourtant produisent l’effet contraire de l’opulence. Une certaine ironie pourrait-elle pointer sur la toile?


Que penser de cette série le « Bonheur suisse » (1972-1985)? Des aplats uniformes, un paysage net, structuré, littéralement aucune ombre au tableau. Au loin la vie sociale: l’église et le village. Mais quel temps fait-il? Un ciel sans nuage ou entièrement couvert? Hopper n’est pas loin, Pinter non plus, un ange passe tel une menace.
Emilienne Farny développe une technique qu’elle suivra durant toute sa carrière. Prendre des photographies, choisir son image, la faire développer accompagnée d’une diapositive, la projeter sur une toile vierge dans son atelier, contourner son modèle, puis le peindre en regard de la photo. Certains de ses clichés sont visibles pour la première fois dans l’exposition du musée d’art de Pully.

De 1985 à 1990, elle peint une série qu’elle intitule « Paysage après meurtre ». Cette fois, la menace est aussi dans les teintes et les nuances de gris, ombres et traces noires, contrastes oppressants des vues enneigées ou d’un pylône solitaire tendu vers un ciel nébuleux. La silhouette de cet « Homme qui ne va nulle part » ou la « Neige fondante » racontent de sombres séquences que l’on pourrait inclurent dans un thriller. La Suisse noire et blanche est rendue un peu sale, légèrement souillée.

Puis des portraits, souvent de dos, regards masqués, planqués. Des actions énigmatiques, suggérant, peut-être, l’irrégularité ou quelque chose de fantastique plane sur le paysage.
Seuls/Années 1990
« Je n’explique pas le monde, je le peins avec sa folie, sa tendresse, son désarroi et sa solitude surtout. Dans toute sa beauté aussi, celle qui niche partout pour qui sait la débusquer. Je n’ai aucun message à transmettre sinon un instant d’éternité volé au quotidien. » Emilienne Farny

Tout autre sensation dans la série des « Garçons ». Ce sont des arrêts sur image, des moments intimes où le modèle peut être nu ou mis à nu sans même que l’on devine son expression. C’est le corps, la posture qui parle.

Une posture plus légère aussi qui peut alors dégager un certain humour.

Ou cette série de portraits (celui de l’artiste est le troisième) de la série « Le Regard », où le modèle nous regarde sans expression, froidement, derrière des lunettes noires. Seul l’autoportrait ose nous dévoiler imperceptiblement ses yeux voilés par le verre fumé.


Sa peinture, toujours réaliste, est urbaine dans les années 2000: affiches, graffitis, impasses. Elle peint « ce que personne ne regarde » et revendique son inspiration de la peinture, du cinéma et de la littérature américaine, citant Richard Brautigan, Lichtenstein ou Warhol.


Jusqu’à sa dernière oeuvre, cette plante en pot. Le pinceau, le pot et la plante en pot. Je trouve la suite de ces trois tableaux émouvante, comme si elle racontait une petite histoire intime et personnelle de l’artiste, juste avant son départ.

Je termine avec ce portrait où il me semble reconnaître un certain écrivain…


Découverte intéressante.
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