Toni Morrison (1931-2019) / Le Majordome § esclavage

Toni Morrison (1931)
Romancière et éditrice américaine, huitième femme et première noire à avoir reçu le prix Nobel de littérature (1993) pour l’ensemble de son oeuvre.

Née dans une famille ouvrière, Chloé Wofford, de son vrai nom, s’intéresse très tôt à la littérature. En fin d’étude à l’université de Howard (réservée aux noir.e.s), elle soutient une thèse sur le thème du suicide dans les oeuvres de Faulkner et Woolf. Puis elle entame une carrière de professeure et épouse Howard Morrison avec lequel elle a deux enfants. Dès 1964, elle est éditrice chargée du domaine de la littérature noire et publie des autobiographies (Angela Davies…) et une anthologie d’écrivain.e.s noirs The Black Book en 1973. Critique littéraire et essayiste, elle enseigne aussi à l’université de Princeton. Son premier roman est publié en 1970.

Tous statuts confondus (genre, race), Toni Morrison est l’honneur de la littérature américaine.

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« Puisque vous tenez absolument à raconter mon histoire, quoi que vous pensiez et quoi que vous écriviez, sachez ceci : je l’ai vraiment oublié, l’enterrement. Je ne me souvenais que des chevaux. Ils étaient tellement beaux. Tellement brutaux. Et ils se sont dressés comme des hommes. » Toni Morisson, Home

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Que tout Blanc avait le droit de se saisir de toute votre personne pour un oui ou pour un non. Pas seulement pour vous faire travailler, vous tuer ou vous mutiler, mais pour vous salir. Vous salir si gravement qu’il vous serait à jamais impossible de vous aimer. Vous salir si profondément que vous en oubliiez qui vous étiez et ne pouviez même plus vous en souvenir. Et qu’alors même qu’elle, Sethe, et d’autres étaient passés par là et y avaient survécu, jamais elle n’aurait pu permettre que cela arrive aux siens. Le meilleur d’elle, c’étaient ses enfants. Les Blancs pouvaient bien la salir, elle, mais pas ce qu’elle avait de meilleur, ce qu’elle avait de beau, de magique, la partie d’elle qui était propre. Toni Morisson, Beloved

Un lien vers une analyse de Beloved

De The Bluest Eye (1970), en passant par Beloved paru en 1987 (prix Pulitzer 1988), jusqu’à Home en 2012, Toni Morrison tente de recomposer la mémoire des noirs américains depuis le début du XXe siècle. Elle obtient le prix Nobel de littérature en 1993.

Ses romans parlent de l’esclavage, de l’amour et de la folie que cela peut engendrer. Elle relate la quête d’identité de ces hommes et femmes dont le passé fut d’appartenir à quelqu’un, d’avoir vu ses parents brimés, torturés et ses enfants vendus. Elle utilise différents langages passant du littéraire classique à des expressions plus crues qui humanisent ses personnages. Les types de phrases, variés, créatifs, dynamisent le récit poétique, réaliste, mais aussi fantastique. Il peut arriver au lecteur de se sentir perdu dans la chronologie des faits, car le ressenti des personnages passe par le souvenir du passé. La puissance d’évocation des textes de Toni Morrison laisse une empreinte indélébile.

Sur ce thème, au cinéma : Le Majordome.

Un film sorti en 2013 retrace librement la vie d’Eugene Allen, un majordome ayant servi trente ans à la Maison Blanche. De son enfance dans les plantations de coton jusqu’à l’élection de Barack Obama, ce film réalisé par Lee Daniels avec Forest Whitaker, opère une rétrospective sociologique et politique de l’Amérique depuis les années vingt. Le combat des noirs pour les droits civiques y est condensé en deux heures: un peu court pour approfondir le sujet, assez long pour nous remémorer la lente maturation qu’il a fallu aux consciences pour accepter ce qui devrait nous sembler évident aujourd’hui : mettre un terme à la ségrégation raciale.

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 L’esclavage est la condition d’un individu privé de sa liberté, qui devient la propriété, exploitable et négociable comme un bien matériel, d’une autre personne.

Le tabac, puis le riz et le coton étaient à l’origine de l’importation des esclaves venus d’Afrique. Indépendants en 1783, dotés depuis 1787 d’une constitution démocratique affirmant bien haut l’égalité et la liberté des hommes, les Etats-Unis n’aboliront pourtant l’esclavage qu’en 1865, trente ans après l’Angleterre. Cette abolition a été réalisée au terme d’une guerre civile atroce, la guerre de Sécession, qui a fait près d’un million de morts, ruiné le Sud et marqué jusqu’à nos jours la mentalité des Américains. Le nombre de Noirs, quasiment tous esclaves, était alors de l’ordre de 45 millions.

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http://www.esclavagemoderne.org/

Actuellement, il existe encore des formes d’esclavage:

  • le travail forcé, sous la menace de sévices corporels ou psychologiques ;
  • une relation de propriété ou de quasi-propriété d’une personne par un « employeur », où elle est maintenue dans une relation de dépendance par des sévices, ou menaces de sévices, corporels ou psychologiques ;
  • une déshumanisation de la personne qui n’est plus traitée comme être humain, mais comme une marchandise, et acheté ou vendu comme tel (ici l’esclavage moderne apparaît en fait comme la version contemporaine de l’esclavage d’antan) ;
  • des entraves physiques ou une liberté de mouvement restreinte.
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