Whitechapel Gallery, Londres, du 12 février au 4 mai 2025

L’artiste britannique Donald Rodney (1961-1998) a travaillé son art en sculpture, installation, dessin, peinture et médias numériques, expérimentant de nouveaux matériaux et technologies tout au long de sa courte vie. Il est un des membres cofondateur du BLK Art Group(1982), une association de jeunes artistes noirs. De parents jamaïcains, il a grandi à la périphérie de Birmingham.
Donald Rodney souffrait d’une drépanocytose. Son travail artistique est basé autant sur l’intime que sur le politique. Il a travaillé sur des thèmes comme l’identité raciale, la masculinité noire, la maladie chronique, la technologie (IA, ), le passé colonial, etc. Lors de ses très nombreux longs séjours en hôpitaux, il a intégré ses expériences personnelles, viscérales, directement dans son travail. Douleur persistante, traitements invasifs réguliers et augmentation de l’immobilité ne l’ont pas empêché de développer une oeuvre hautement percutante.

L’oeuvre ci-dessus, éponyme du titre de l’exposition, « Visceral Canker », date de 1990. Deux plaques de bois décorées d’images héraldiques reliées par un système de tubes médicaux où circule du faux sang grâce à une pompe électrique. D’un côté le premier esclave, John Hawkins, amené par mer à Plymouth (1532-1595) en 1567, de l’autre la reine Elisabeth I (1533-1603). Ce projet de Rodney était de le faire avec son propre sang, ce qui ne lui a pas été autorisé. Son idée est de démontrer à quel point la maladie entre au coeur de la société. Cette maladie rend le sang inadéquat à la défense immunitaire, ce qui demande de régulières transfusions.


Le tableau d’Hockney « We two boys together clinging » montre deux hommes enlassés. Celui de Rodney dénonce une emprise ambigüe. Le second reprend un style naïf pour critiquer le cinéma hollywoodien qui présente les résistances indiennes comme criminelles. Rodney tient à faire un art compréhensible par toustes, un art qui informe, éduque, stimule et trouble. « Mon désir est d’user de l’accessibilité comme une arme de libération politique et de subversion par la séduction« . Donald Rodney, 1987.
Rodney participa à nombre d’exposition examinant la relation entre art et science. L’oeuvre ci-dessous montre au centre une suture mal faite sur le corps de l’artiste, suture grossière parce que corps noir. De chaque côté un cheveu de Rodney et un cheveu d’une de ses amies vus au microscope. Impossible de les différencier.

Préoccupé à montrer ce qui se cache sous la surface des choses, Rodney utilise les radios produites par rayons X et les accumule pour en faire des oeuvres.






La maison que Jack a bâtie est le titre d’une histoire pour enfants, un récit à répétition. L’oeuvre puissante ci-dessus est constituée de radiographies. L’artiste l’a décrite comme étant un autoportrait. Elle évoque le pan- africanisme, l’unification des états africains comme corps entier. La figure assise est une évocation de l’histoire dramatique du lynchage.

La double pensée, conceptualisée par George Orwell « 1984 » (publié en 1949, actuellement censuré par le gouvernement Trump), est le fait de concevoir deux croyances contradictoires dans la même réflexion et d’accepter les deux. Ici, le footballeur britannique John Barnes, régulièrement victime de supporters racistes, et les deux athlètes aux poings levés des jeux olympiques de Mexico 1968 (le 3e, australien, portant des badges OPHR antiségrégationnistes) contestant la situation des noirs dans le monde. Rodney est fasciné par le fait que l’on puisse acclamer les sportifs noirs pour leur nationalité autant que les insulter pour leur couleur de peau.
L’oeuvre phare de Donald Rodney est cette fragile maisonnette constituée de sa propre peau. Ci-dessous, la photo intitulée « Dans la maison de mon père« . L’original, intransportable, est nommée « My Mother, My Father, My Sister, My Brother« . Sur ce lien, un texte de Caleb Azumah Nelson exposant son ressenti sur l’oeuvre de l’artiste. Extrait :
Être Noir du vivant de Rodney, comme du mien, c’est vivre dans le sillage de la violence coloniale, c’est-à-dire vivre dans une crise permanente, un traumatisme constant, panser des blessures difficiles à guérir sans reconnaissance, impossibles à guérir sans traitement. Des blessures qui, compte tenu de ce que nous subissons dans la société occidentale, ne cessent de se refaire et de s’approfondir. Cela contribue directement à notre propre construction.
Cette macabre poupée est une version de l’image et du mythe de Michael Jackson revisité par Rodney. Elle est une anti représentation des tentatives du chanteur pour éclaircir sa couleur de peau, dont l’artiste a peint une « black face ». L’oeuvre parle de l’intérêt de Rodney pour la construction et la représentation dans les médias de la masculinité noire. Lors du procès de O.J. Simpson, en 1995 la phrase raciste « You can take the nigger from the jungle, but youz cann’t take the jungle from the nigger » a été prononcée. Rodney exprime son avis disant que c’est comme s’il avait vécu jusqu’alors sous camouflage, accepté par la société blanche. Mais après son crime, il est devenu le criminel noir ayant commis un crime noir. La tapisserie fait référence à cette idée.


L’exposition présente une salle d’archives composée de notes, d’enregistrements et de vidéos de travaux considérés comme perdus.









je connais son nom, pas trop son œuvre, qui est un peu non pas dérangeante, mais perturbante, dans ce que je vois. J’aime plutôt être dérangée.
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Hello Simone, j’ai passe du temps dans cette expo: traduction des cartels et visionnage du film, réflexion et méditation. Il m’a touché. Je trouve que son travail montre bien à quel point nous sommes privilégié.e.s en tant que blanc.he.s et en santé.
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