« FRKS » Igor Cardellini/Tomas Gonzalez

Théâtre de Vidy , du 26 mars au 4 avril 2025, puis Théâtre Saint Gervais 10-13.04), ABC la Chaux-de Fonds (10-11.05) et Théâtre Benno Besson (22-23.05).

Photos Matthieu Croizier

Avec Steve Katona, Herwan Legaillard, Sara Leghissa, Agnese Menguzzato, Alix Pétris, Sophia Rodriguez, Shade Theret, TTristana, Eyuna vom Haus Vax, Ranger von der Gletscherhöhle

FRKS interroge les dynamiques du regard, d’exposition et d’invisibilisation, d’identification et d’altérisation, de fascination et de rejet.

Au XIXe siècle, la représentation publique d’êtres humains qualifiés de « monstres » se développe dans les Freak Shows aux Etats-unis. Des personnes nées avec des particularités physiques, celleux qui sont capables de transformer leurs corps ou encore qui font des choses extra ordinaires. L’évolution de la science et de la médecine permettra peu à peu une reconnaissance de ces spécificités humaines et animales.

Ce spectacle saisissant reprend les formes performatives de plusieurs artistes en les scénarisant dans une configuration circassienne, burlesque et mystérieuse.

Dans une atmosphère enfumée, sur un sol froissé, une silhouette de guitariste produit des sons aussi langoureux que déchirants. Lui succède un être en contrejour, mêlant sa voix de contre-ténor baroque aux stridulations électriques. Envoûtant.

Mais une voix l’interpelle et l’insulte : « Pédale! Travelo! » Et deux personnages masqués débarquent avec des bergers allemands (plus excités qu’effrayants pourtant), grimpant sur les bords des gradins.

Le sol de fin tissu noir, retenu par plusieurs tiges, s’élève alors par segments, élaborant un paysage de pyramides mouvantes. Peu après retourné sur lui-même, il se transforme en une grotte, une antre, un chapiteau voluptueux et flottant, immense et volatil.

Dans ce lieu apparaissent des ombres fugitives et étranges, des créatures devinées lors d’éclairages stroboscopiques. Deux prisonniers de placards aveugles cherchent la sortie. La voix s’élève à nouveau, affirmant une puissance aménagée au-delà du  mépris d’une société binaire et normée.

C’est dans la voûte utérine de cette sensuelle cathédrale que se produiront les artistes: les chants baroques sublimes de deux créatures bottées et corsetées tout droit sorties d’un roman sadien, une tronçonneuse brandie par une tailleuse de haie bourgeonnante de mains, un urinoir sarcastique et ondinophile, un intermède où l’on invite le public à libérer son anus, un.e DJ déjanté.e transportant un corps étrange fait de plusieurs peaux qui se révélera plantureuse, impudique et sauvage, un second intermède à la pêche à la générosité de possibles allié.e.s, un Janus contorsionniste et tourbillonnant avaleur d’objets tranchants, trois personnages puzzle qui n’en font qu’un, bientôt rejoints par des imitateurices de yin et yang entremêlé.e.s.

Autant dire que ce spectacle est décoiffant. Il ose une forme théâtrale provocante, mais aussi esthétisante, destinée à mieux saisir l’évolution et l’acceptation du queerness. Exagérant un côté obscur et mal connu, nous est révélée l’humanité claire et profonde qui est enserrée au coeur du « freak » et de sa liberté.

Et qui oserait encore croire aux monstres?

Photo Mathieu Croizier

Laisser un commentaire