« Fampitaha, fampita, fampitàna » Soa Ratsifandrihana

Théâtre de Vidy-Lausanne, du 11 au 13 décembre 2025

Du diptyque de la chorégraphe et danseuse Soa Ratsifandrihana, le premier chapitre est Rouge Cratère, une fable documentaire (Soa Ratsifandrihana et Chloé Despax) adressée à la jeunesse des diasporas, en quête d’appartenance(s). Ecouter le Podcast 👉🏼👉🏾 ICI. (35 mn).

Prévu en février 2026, le concours pour devenir professeur agrégé est ouvert aux langues régionales comme le basque, le catalan ou l’occitan, mais pas au créole, qui était pourtant présent les trois dernières années. (réf)

Ainsi commence le deuxième chapitre du diptyque, avec cette info que j’ai cru issue d’un autre temps. Un chant, une mélopée, créolise ce terme: oublier. Les comédien.nes/danseur.euses sont identifié.es et présenté.es: iels sont originaires de La Réunion, Madagascar, Guadeloupe, Martinique, mais de nationalités françaises ou belges depuis une ou plusieurs générations.

Fampitaha, fampita, fampitàna, en malgache, signifient la comparaison, la transmission, la rivalité des cultures.

Photos HD Harilay Rabenjamina

Vêtu.es de costumes d’aspect XIXe, iels inaugurent une danse que l’on sent mixte, entre classicisme et modernité. Leurs postures, leurs mouvements se déploient en miroir. Les sautoirs bleu-blanc-rouge et les longs gants blancs qu’iels ont enfilés suggèrent la touche colonialiste. Lorsque l’un.e quitte la danse, un.e autre la reprend immédiatement, avec une précision millimétrée. Arabesques et virevoltes sont scandées par des modulations de guitare superposées à une boucle (guitar loop). Le talentueux musicien Joël Rabeloso est fabuleusement créatif. Danse et musique installent une harmonie douce et joyeuse, jusqu’au moment où la guitare électrique devient violente et agressive. Le plateau s’assombrit et les personnages rampent au sol pour s’agglutiner autour de la batterie et s’empiffrer d’IGNORAL®️, métaphore peut-être de l’oubli des racines génétiques. Des bottes argentées et une danse robotique, accompagnée par des percussions, rythment cette mutation quasi soldatesque, mais toujours plaisante à voir et à entendre. Le plaisir de danser se lit à leurs mines souriantes. Tandis que défilent les noms des rues célébrant les révolutions (Menalamba, Toussaint Louverture, etc.), coups de sifflets et néons clignotants annoncent le changement. La danse tourne en bagarre et rébellion.

S’entraîner à la prononciation avec des virelangues, ces exercices de prononciation d’aspect drolatique, dénote de l’effort d’intégration à la langue française. Et la chanson « Born A Loser » de Boris Pikula ébauchée par Soa, raconte l’histoire d’une personne qui, dès son plus jeune âge, a dû faire face à des difficultés et des revers, se sentant vouée à l’échec. Malgré ces épreuves et ce sentiment, elle trouve du réconfort dans la musique, espérant un avenir meilleur et s’efforçant de se libérer de son passé pour réussir un jour.

Une légende dira la nécessité de comprendre sa propre provenance, même si elle semble à priori mystérieuse ou aussi dangereuse qu’un crocodile. Ne pas oublier, c’est ainsi que je l’ai comprise.

Un spectacle qui danse et chante les identités et l’histoire avec virtuosité et un plaisir communicatif!

Chorégraphie et interprétation: Audrey Mérilus, Stanley Ollivier, Soa Ratsifandrihana, en alternance avec Elsy Robert. Musique originale et interprétation: Joël Rabesolo.

De Soa Ratsifandrihana, le spectacle de danse « g r oo v e » est programmé les 16 et 17 décembre au Théâtre de Vidy.

Laisser un commentaire