« BREL » Anne Teresa de Keersmaeker/Solal Mariotte

Vu le 15 juillet 2025, carrière de Boulbon, Avignon IN

BREL d’Anne Teresa De Keersmaeker et Solal Mariotte ©Photo: Anne Van Aerschot

En 2023 nous avions assisté à une représentation magistrale au cloître des Célestins signée Anne Teresa de Keersmaeker, En Atendant, déjà dansée dans ce lieu en 2010. Une merveille de groupe. Cette année, c’est en duo que la grande chorégraphe se produit sur une scène montée à la carrière de Boulbon, lieu entouré de falaises minérales.

Autant dire tout de suite une certaine déception. Oui, les chansons de Brel apportent leur atmosphère magique. Oui, le jeune danseur breaker Solal Mariotte donne une touche moderne à ce duo. Non, Anne Teresa de Keersmaeker n’a rien apporté de neuf à cette représentation.

On sait depuis FASE, vu il y a 10 ans au théâtre de Vidy, son talent et sa faculté de renouvellement fantastique dans ses pièces chorégraphiées. Depuis les années 80, la dame bruxelloise s’est fait un nom prestigieux dans le milieu de la danse contemporaine. Sa pratique originale se base sur une rigoureuse géométrie et des musiques aussi bien classiques que contemporaines. Elle fonde en 1995 son école P.A.R.T.S. à Bruxelles.

Le dépouillement est une clause du travail de la danseuse, mais là, la danse qu’elle offre est d’un minimalisme déjà vu. Ses tournoiements se répètent durant presque toute la représentation. On aurait espéré d’autres expressions, même si les chansons de Brel s’y prêtent assez bien.

Quarante années séparent Solal Mariotte et ATDK, a-t-elle voulu lui laisser une place de choix à son jeune complice? Virevoltes et tourbillons foisonnent et indéniablement les quelques unisson des deux danseur.euses, les échos de leurs corps sont épatants. Les mouvements de Solal Mariotte en solo figurent une modernité explosive tandis que sa partenaire semble calmement jouer de ses acquis. C’est certainement une volonté: démontrer la mixité de la maturité et de l’exploration naissante. Pourtant le public (et moi-même) a ressenti une certaine frustration, selon les commentaires. Serait-ce oublier qu’iels ne dansent pas SUR les chansons de Brel, mais ont l’ambition de danser Brel ?

Solal Mariotte dans «Brel». Photo Christophe Raynaud de Lage

L’éclairage et les projections de l’image du chanteur sur les parois sont extraordinaires. Etait-ce un clin d’oeil malicieux? ATDK se met momentanément à nu et l’image de Brel est projetée à la fois sur ses fesses et sur la falaise. De l’humour? J’ai trouvé cela très bizarre en tant que choix. En fait, en y réfléchissant, c’est à une sorte de lâcher-prise que la dame s’est adonnée. Pas de marques au sol ou très peu, des expressions du visage et une liberté dans les postures dont nous n’avions pas l’habitude.

Tous deux ont enfilé le costume gris trop grand pour eux du chanteur du « plat pays ». Cela dénote d’humilité et de révérence pour lui. Le spectacle d’ailleurs montre sa grandeur monstrueuse en projetant son image et les deux minuscules personnes qui lui rendent hommage témoignent de sa fougue autant que de sa sagesse.

« Brel », d’Anne Teresa De Keersmaeker, au Festival d’Avignon, le 4 juillet 2025. Photo CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE/FESTIVAL D’AVIGNON

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