Comédie de Genève, du 12 au 21 mars 2025
Librement inspirée du Marius de Marcel Pagnol, et pourtant fidèle, cette version contemporaine de l’histoire est mise en scène par Joël Pommerat avec la complicité de Caroline Guiela Nguyen. La pièce fut créée en 2016 en milieu carcéral. Depuis près de dix ans, le metteur en scène a travaillé les improvisations avec les détenus de la Maison Centrale d’Arles pour actualiser le récit. La réécriture du texte est une collaboration avec Jean Ruimi (ex-détenu et acteur).

Marius est déchiré entre ses rêves de liberté et son attirance pour Fanny. Son père, César, le submerge de conseils et de remontrances quant à son attitude négligente. Il prétend lui offrir une situation stable et toute trouvée en lui remettant son café-boulangerie. Nous voici devant l’image pérenne d’un jeune homme incapable d’exprimer ses sentiments. Tandis que le riche et égocentrique Panisse courtise Fanny, Marius laisse apparaître sa jalousie. Asticoté par la jeune femme, il finit par se déclarer. Sans pour autant renoncer à ses désirs de voyages.
Le lieu où travaillent Marius et son père, la très réaliste boulangerie-café, fait office de scénographie. De la musique de variété sortant d’un poste de radio et un éclairage assez cru retracent l’atmosphère de l’endroit. Les allées et venues des quelques habitués sont ponctuées par une sonnerie de porte.

A peine la pièce commencée, nous voici dans l’ambiance. Le jeu des acteurs et de l’actrice est parfaitement au point. Absorbés par l’histoire, que pourtant nous connaissons, nous n’en émergerons que durant les quelques secondes du court entracte, pour aussitôt nous y replonger, trois mois s’étant écoulés. L’accent marseillais redonne le ton du récit d’origine, rafraîchi par des termes plus actuels. La scène mythique du jeu de cartes est conservée, légèrement remaniée. Le personnage de Fanny est ici une jeune femme d’aujourd’hui, sensible et déterminée. C’est grâce à elle que Marius, ose aller au bout de son rêve. Non sans chagrin, mais avec conscience et amour, elle lui permet l’évasion.
Créer une pièce qui évoque l’évasion avec des détenus semble comme une fenêtre ouverte dans un lieu clos. Impossible durant la représentation de déterminer qui sont les anciens détenus et qui sont les comédiens professionnels. Tragédie et comédie se mêlent, tout en développant des thèmes cruciaux comme les liens familiaux, le droit au choix de vie, l’attachement, la masculinité, le patriarcat, l’autonomie, la pudeur des sentiments, le sacrifice, etc. Une théâtralisation classique qui procure des moments d’émotions et d’humanité authentiques.

