Théâtre de Vidy du 21 au 25 janvier 2025 (Image en-tête: ©Sandra Piretti)
Avec Stéphanie Bayle et Daniela Zaghin.
« Quelque chose se passe. Ou rien ne se passe. Un corps entre en mouvement. Ou reste immobile. S’il se meut, quelque chose commence. S’il reste immobile, quelque chose commence aussi »
Paul Auster, « Espaces blancs«
Ce texte est tiré d’un court recueil des débuts de l’écrivain (1979). Il offre un préambule judicieux à cette oeuvre dansée entre silence et vacarme, où le temps est indicible.
Une zone grise, cette nuance de doute qui brouille la conviction. Un jeu d’ombres qui enchevêtre réalité et illusion. Où faut-il poser le regard? Sur l’être dansant ou sur son ombre projetée? D’autant que les silhouettes se dédoublent sur l’écran du fond de scène, immenses ou réduites, floues ou précises. Comme un langage, elles esquissent des mots somatiques, les dessinant sur la page vierge de la scène avec des gestes lents, des attitudes archétypales.

Gestes simples, postures mesurées, déplacements directs. Qu’est-ce qui construit cette oeuvre intrigante? La lumière et les sons sont acteurs, non qu’ils dirigent les pas dansé, mais ils en font partie intégrante. Sonorités dérangeantes ou apaisantes, grincements crispants ou souffles musicaux. Corps soulignés par un rayonnement, lequel détermine leurs ombres portées, tour à tour invisibilisant ou déployant leurs contours. Une danse qui respire.

La chorégraphe Cindy Van Acker s’est inspirée des peintures de Léon Spilliaert, et de leur simplicité dramatique. La mer y est un motif récurrent, source de vie mais aussi de menace.
Délaissant l’idée d’un récit concret, les danseuses semblent s’ignorer, ne se synchronisant brièvement qu’après un cataclysme sonore et qu’un trait vertical, lumineux et vibrant, traverse verticalement la scène. Dans un silence total, le binôme se lie alors et compose plusieurs figures, cristallisant quelques instants leurs poses (ce qui induit le public en erreur: ceci n’est pas une fin).
Les sonorités reprennent, leur intensité liée à celle de la lumière. Le mouvement renaît.
Puis un nuage apparaît, qui enveloppe et efface les danseuses.
