« Kill me » Marina Otero

Au Théâtre de Vidy, Lausanne, du 30 octobre au 1 novembre

Écriture et mise en scène Marina Otero
Avec Ana Cotoré, Josefina Gorostiza, Natalia Lopéz Godoy, Myriam Henne-Adda, Marina Otero, Tomás Pozzi

L’introduction est un montage filmé depuis son portable qui montre et explique l’oppression dont souffre Marina Otero. Images et respiration haletante, pensées toxiques, paranoïa, détresse, dépendance, perte de contrôle.

Sa solution, son issue de secours? la création. Produire un spectacle tous les trois ans. Et vivre.

Kill me (2024) est le dernier volet d’un triptyque dont les deux premiers sont Love me (2022) et Fuck me (2020). Ce spectacle se présente comme un essai chorégraphié sur la santé mentale… ou la folie amoureuse? Il est interprété par l’autrice accompagnée de quatre danseuses atteintes de troubles mentaux et d’un double abrégé de Nijinsky.

Leur mise à nu est aussi physique que psychique, genouillères et perruques pour tout costume. Tour à tour, iels vont raconter leurs troubles, symbolisant leur catharsis en alimentant un petit autel sur un bord de la scène.

Marina Caputo (@anima__marina ).

L’ersatz de Nijinsky, petit homme en collant et collerette diagnostiqué schizophrène comme l’original, relate un parcours en asile constellé d’électrochocs. Etonnant d’énergie

Sur la chanson « Candle in the wind« , créée pour Marylin Monroe et reprise pour Lady Di, deux personnalités borderline, celle qui l’est aussi déverse son fiel à Elton John, et danse avec autant de grâce que de brutalité sur cette « chanson de merde ».

Une autre se déclare hors DSM mais flanquée de deux parents lacaniens, une bonne raison de danser sur la chanson des Talkings Heads « Psycho Killer« .

La suivante enracine ses troubles anorexiques et addictifs dans le manque d’attention familial. Sur les pointes de ses chaussons, le classicisme de sa danse, accompagnée du simili Nijinsky, est une performance inclassable, aussi énergique qu’impudique. Elle est bouleversante de vérité.

La bipolarité d’Edith Piaf concerne la quatrième danseuse puis qu’elle en est atteinte elle aussi. Elle ne nous offre rien de moins qu’un splendide « Hymne à l’amour » a capella… se terminant en gants de boxe.

Mais la tristesse n’est pas de mise ici et la danse purge les aliénations pour un moment, chorégraphies violentes et douloureuses qui se terminent le plus souvent en chutes. Des combats de boxe permanents contre un adversaire invisible pour pallier à la solitude, aux rêves de normalité, au déséquilibre, aux pensées destructrices.

La metteuse en scène argentine Marina Otero nous offre le spectacle cru et intime de la lutte contre les colosses psychiques qui usent et épuisent les âmes. Elle a la générosité de le faire avec art et même avec humour. Alors, folie amoureuse ou maladie mentale, le résultat est bluffant.

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