Arsenic Lausanne, du 3 au 6 octobre 2024
Proposé en avant-programme, « Blackmilk« , film d’une vingtaine de minutes, est une interprétation courte de la performance du même nom, le début de la trilogie des Trompoppies du chorégraphe Tiran Willemse, artiste sud-africain basé à Zurich.
En fusionnant les mouvements des trompoppies (majorettes en afrikaans) avec les gestes mélodramatiques de starlettes blanches, ainsi que les gestes associés aux stars masculines noires du rap, l’œuvre explore la représentation des corps présentés comme masculins, africains et afro-américains. (présentation)
Il semble n’y avoir ni début, ni fin. La salle est un white cube habité par des visages sens dessus dessous. Filmés en gros plan, les gestes des doigts en sont les vedettes. Ils m’ont évoqués l’oeuvre du peintre Egon Schiele, comme un langage de signes inconnus. Les corps enveloppent les enceintes, habitent les sons, à l’image de poulpes nichés dans des coquilles.
Ces gestes proviennent en fait des majorettes et du Rap (voir: signes distinctifs du Rap)..
C’est à un étonnant spectacle de danse que nous convie ensuite Tiran Willemse avec « Untitled (Nostalgia, act 3)« . Il commence avec des pas d’un classicisme soigné (bien que dos au public), puis continue en mêlant peu à peu de la danse traditionnelle africaine, tout en restant très contemporain, et termine dans la folie grinçante et joyeuse d’une liberté dénudée.

Cette pièce dansée débute par une apparition suivie d’une disparition. Une balle rose, posée au centre de l’espace est subtilisée par un personnage encapuchonné. Ayant réapparu, il rejoint le premier rang du public et prépare sa tenue en souriant, incluant les spectateurices en leur jetant de réguliers coups d’oeil complices.
Dos au public, il aligne les arabesques, comme enfermé dans ces attitudes répétées. Mais peu à peu les gestes, les postures se libèrent et, lorsque les sonorités se font plus exotiques, il entreprend des tours de salle, manèges de déboulés, où son expression sérieuse disparaît faisant place aux sourires, puis à l’extase, pour aboutir au fou rire le plus exalté. De joyeux galops tourbillonnants remplacent l’harmonieuse austérité des postures classiques et des demi-pointes.
L’espace scénique est totalement investi par la danse, les danses, de l’artiste virevoltant. La musique est entrecoupée de silences, et de courtes obscurités hachent le panorama de ses déplacements, comme du temps qui s’écoule. Durant un peu plus d’une heure, le public est transporté dans un univers composite, riche de plusieurs cultures traditionnelles et d’émotions multiples. Une biographie de l’artiste?
Partant de la sévère discipline de la danse classique, il évolue vers une joie intense, marquée de liberté, de sonorités et de postures africaines, allant jusqu’à l’excès et la folie. Les genres se mélangent et le rire explose. Le rire pour enrayer la nostalgie?


