Mon festival d’Avignon (in) 2024 Part V: « Lacrima » Caroline Guiela Nguyen

Au Gymnase du Lycée Aubanel, cette création 2024 monumentale et haletante.

C’est l’histoire de la conception d’une robe, un secret qui lie une maison de haute couture parisienne, un atelier de broderie à Mumbaï et les dernières dentellières d’Alençon.

Retenons ce nom: Caroline Guiela Nguyen (1981), autrice, metteuse en scène et réalisatrice. Elle a déjà produit nombre de spectacles depuis 2011 et dirige le Théâtre National de Strasbourg depuis 2023. Elle est française d’origines multiculturelles et attache beaucoup d’importance à toucher par un large public.

« Il ne faut jamais défaire le tissage de la soie car il contient les larmes d’une époque, et si on le défait, les larmes se redistribuent dans le présent. » (conte chinois)

La tragédie, totalement écrite par l’autrice, s’approche de trois personnages dans trois géographies différentes. Marion est cheffe d’atelier d’une maison de Haute Couture parisienne, Thérèse est dentellière à Alençon, Abdul est brodeur à Mumbai. Ces derniers sont les artisan.es spécialistes mondiaux de leurs savoir-faire.

L’histoire se construit dans un décor unique d’atelier. De longues tables, des portants, des mannequins, quelques miroirs entourés de LED. Un écran géant surplombe la scène.

Une robe de mariée de princesse (ici d’Angleterre) se crée, comme une collection de mode, dans le plus grand secret. Un contrat de silence, multipliant les clauses de confidentialité, doit être  signé par toustes celleux qui ont accès à l’oeuvre. D’ailleurs, leurs maîtrise est elle-même secrète et transmise avec soin et discrétion. On l’apprendra durant le spectacle par le biais du tournage d’un documentaire fictif dans l’atelier des dentellières.

Le travail va durer huit mois. Durant tout ce temps, le public suit en accéléré l’élaboration de la robe, mais aussi l’intimité des protagonistes impliqué.e.s dans sa création. Par ce double canal, nous entrons dans les vies affectives des héro.ïne.s, dans le maelström des complications et contraintes liées à la mondialisation du travail et d’autre part dans le travail minutieux des petites mains (souvent au prix de leur santé) de cette industrie de luxe.

© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Telle une série à suspens, Lacrima nous entraîne dans ce monde particulier de la haute-couture et les trois heures que durent la représentation se transforment en un battement d’aile de papillon. Oui, celui qui est capable de déclencher une tornade à l’autre bout du monde.

Tout le spectacle est palpitant. L’intrigue, évidemment, mais aussi le jeu des acteurices, la mise en scène au cordeau, cette scénographie dans laquelle on plonge immédiatement, la réalité émotionnelle des personnages, l’aspect documentaire du récit, la découverte de ces métiers de l’excellence, le réalisme du rendu théâtral, Maud Le Grevellec jouant Marion avec tant de sensibilité, les comédien.ne.s si justement proches, la virtuosité des passages d’un espace à l’autre (entre autres par des appels en visio-conférence), les problèmes affectifs et sociétaux qui émaillent la vie des personnages, etc.

Voilà donc un exemple de théâtre contemporain passionnant, à la fois réflexif et populaire, artistique et documentaire, narratif, sociétal et profondément humain.

1 cm2 en point d’Alençon nécessite entre 7 et 15 heures de travail.

Et, ICI,  un lien sur les ateliers de broderie de perles à Mumbai

Avec Dan Artus, Dinah Bellity, Natasha Cashman, Charles Vinoth Irudhayaraj, Anaele Jan Kerguistel, Maud Le Grevellec, Liliane Lipau, Nanii, Rajarajeswari Parisot, Vasanth Selvam
et en vidéo Nadia Bourgeois, Charles Schera, Fleur Sulmont
et les voix de Louise Marcia Blévins, Béatrice Dedieu, David Geselson, Kathy Packianathan,Jessica Savage-Hanford
Texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen
Traductions Nadia Bourgeois, Carl Holland, Rajarajeswari Parisot (langue des signes française, anglais, tamoul)
Collaboration artistique Paola Secret
Scénographie Alice Duchange
Costumes et pièces couture Benjamin Moreau
Musique Jean-Baptiste Cognet, Teddy Gauliat-Pitois, Antoine Richard
Son Antoine Richard en collaboration avecThibaut Farineau
Lumière Mathilde Chamoux, Jérémie Papin
Vidéo Jérémie Scheidler
Motion Design Marina Masquelier
Coiffure, postiches et maquillage Émilie Vuez
Casting Lola Diane
Consultation artistique Juliette Alexandre, Noémie de Lapparent
Musiques enregistrées
Quatuor Adastra – quatuor à cordes
Traduction en anglais pour le surtitrage
Panthea (anglais)
Assistanat à la mise en scène Iris Baldoureaux-Fredon
Assistanat à la dramaturgie Louison Ryser, Tristan Schinz, Hugo Soubise
Régie générale Stéphane Descombes, Xavier Lazarini
Régie plateau Fabrice Henches
Régie vidéo Jérémie Scheidler, Philippe Suss (en alternance) 
Régie lumière
Mathilde Chamoux, Thibault D’Aubert (en alternance)
Régie son Julien Feryn
Habillage Bénédicte Foki

 

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