A l’entrée du cloître des Célestins, un panneau chronologique décrit l’évolution du festival d’Avignon. Dates, mots-clés, noms des directeurices (une femme en codirection), titres de quelques pièces évènements. Sur le terrain/scène, seulement deux bancs se font face. A cour, deux jeunes filles déclament des chiffres anglais aux micros de manière robotique, le prologue évoque Einstein on the Beach.
Ce sont les archives du festival d’Avignon qui servent de matière à la production de la metteuse en scène et chorégraphe Fanny de Chaillé (site), dont le spectacle est interprété par les élèves de La Manufacture-Haute école des arts de la scène de Lausanne.

Le titre Avignon, une école désigne du même coup les élèves et les différentes tournures par lesquelles le festival a entrepris son devenir. Non sans remous et débats, le festival d’Avignon s’est bâti à l’image des époques qu’il a traversé. Il est le témoin de la transformation du théâtre, de l’élargissement de son champ artistique et le spectacle y fait allusion avec autant d’humour que de grâce.
Du premier festival en 1947 au dernier en 2023, les particularités et les personnes ayant marqué les différentes éditions sont évoquées, commençant évidemment par Jean Vilar. Les fameuses trompettes résonneront dès 1958.

Les interprétations des élèves sont époustouflantes. Mimant, dansant, jouant, imitant, seul.e.s ou en groupes, collectivement, iels retracent les grandes lignes du festival. Dissociant en quelques endroits, la voix (l’une dit) et le jeu (l’autre joue en mimant la voix), se déshabillant pour le Living Theater, prenant paroles de festivalier.ères ou de critiques (le masque et la plume), adoptant le ton et l’expression de grands acteurices, esquissant quelques extraits de pièces marquantes. On y voit ou entend défiler Jeanne Moreau, Maria Casares, Gérard Philippe, La Chinoise de Godard, Isabelle Huppert, Maurice Béjart, Pina Bausch et d’autres, jusqu’à Rebecca Chaillon. Les contestations, grèves et censures sont mentionnées. Le passé et le présent s’entrecroisent par les corps et les voix de ces jeunes comédien.nes. On reconnait le Richard III d’Ostermeier, Rodrigo Garcia et ses malheureux petits lapins, et là, ce sang? Macaigne, Fabre, Castellucci?

On jubile et encore plus lors de cette séquence sur la Suisse, laquelle ferait craindre un grand remplacement au théâtre français! D’ailleurs, les grand.e.s acteurices suisses se bousculent au portillon, il y en a au moins trois, tout comme les clés, symbole du festival, qui sont aussi celles de la banque UBS!

Disons que les quinze élèves de la promotion M de la Manufacture présentent là un spectacle d’une réussite absolue, documentaire, inventif, pédagogique, drôle, puissant, vivant donc! Beau cadeau offert à la 78e édition du festival.
Avec les étudiantes et étudiants du Bachelor Théâtre de La Manufacture – Haute École des arts de la scène de Lausanne :Eve Aouizerate, Martin Bruneau, Luna Desmeules, Mehdi Djouad, Hugo Hamel, Maëlle Héritier, Araksan Laisney, Liona Lutz, Mathilde Lyon, Elisa Oliveira, Adrien Pierre, Dylan Poletti, Pierre Ripoll, Léo Zagagnoni, Kenza Zourdani
Conception et mise en scène Fanny de Chaillé
Lumière Willy Cessa
Son Manuel Coursin
Costumes Angèle Gaspar
Assistanat Grégoire Monsaingeon, Christophe Ives
Collaboration à la copie d’archive Tomas Gonzalez
Régie générale Emmanuel Bassibé, Robin Dupuis
Assistanat à la technique Amon Mantel
Administration, production, diffusion Isabelle Ellul, Marion Grossiord

