Mon festival d’Avignon 2024 (in) Part I: La Ribot, « Juana Ficciòn »

Photo en-tête: Photo © La Ribot, Distinguished Hits, (1991-2000)

Les divers lieux du festival d’Avignon in sont souvent magnifiques: Cloîtres, cour d’honneur du palais des papes, carrière de Boulbon, cours de lycée, jardin de la vierge ou de la rue Mons, etc. Une belle occasion de visiter la ville autrement.

Au Cloître des Célestins, à la très vivante et fréquentée place des Corps-Saints, nous assistons à deux spectacles. Celui de La Ribot et celui des élèves de la Manufacture de Lausanne (que j’avais manqué à sa sortie à Vidy) mis en scène par Fanny de Chaillé.

La Ribot, dont j’admire l’entier de l’oeuvre, est invitée pour la première fois au festival. Elle y présente une performance dansée sur Jeanne de Castille, une reine (1459-1555) surnommée Jeanne la Folle qui n’était peut-être pas déséquilibrée… En effet, elle sera victime de manigances politiques, patriarcales et religieuses des hommes qui l’entouraient à la mort de son mari qu’elle adorait, Philippe le Beau, et enfermée dans une tour. La pièce Juana Ficciòn est créée en collaboration avec le chef d’orchestre Asier Puga et La Ribot est accompagnée du danseur et comédien Juan Loriente. Orchestre et choeur polyphonique sont présent sur scène sur une musique composée et arrangée par Inaki Estrada à partir d’une partition offerte à Jeanne/Juana pour son mariage..

La pièce débute dans la lumière du jour et se termine à la nuit tombée. Marchant d’un pas décidé sous les arcades du cloître, voici Juana coiffée d’une cloche de tulle représentant un grand visage de femme et vêtue d’une combinaison pantalon transparente laissant apparaître un bikini couleur pêche. Une silhouette masculine encapuchonnée la poursuit. Au milieu des musiciens, comme s’insérant dans la partition, elle grimpe alors sur un tabouret instable et s’y tient debout avec fierté, tandis que l’homme, agenouillé à ses côtés, la chausse avec difficulté d’escarpins rouges à talons. Musique ancienne et chant choral les accompagnent. L’homme lui faisant endosser divers cape et couvre-chefs, elle s’en défait et, assise, entame des mouvements de bras sur une ambiance sonore techno. Comme fixée à son siège (son trône), elle agite ce qu’elle peut pour exister.

© Christophe Raynaud de Lage

A ce moment, une pause nous incite à allumer nos téléphones sur lesquels nous avons accès au portrait sur un tabouret tournant de La Ribot d’il y a trente ans lors de sa performance El triste que nunca os vido (déjà au sujet de Jeanne de Castille).

Comme si le temps se précipitait, iels réapparaissent en bicyclette, pédalant sous les arcades de la cour du cloître. Elle ne tarde pas à tomber et gît au sol, inanimée. L’homme alors installe des tissus noirs autour d’elle et se met à peindre son corps en noir profond, ce qui, avec la nuit tombée, la fait disparaître totalement.

La prestation interroge et la performance, illustrative au possible, est un peu faible. Il nous est montré à quel point cette femme, même reine fut effacée du pouvoir et de l’Histoire, ceci pour et malgré son ouverture d’esprit, par les hommes de sa vie, père, mari et fils.

Sur le site du Festival, entretien avec La Ribot et Asier Puga

Choregraphie et mise en scene La Ribot Dramaturgie Jaime Conde Salazar Direction musicale Asier Puga Musique originale Inaki Estrada Musique Alexander Agricola, Alvaro Martin, Johannes Ockeghem, Josquin des Pres, Pierre de la Rue Son Alvaro Martin Lumiere Eric Wurtz Costumes Elvira Grau
Avec La Ribot, Juan Loriente et Emilio Ferrando (clarinette), Fernando Gomez (flute), Xavier Olivar (alto), Joan German Oliveros (saxophone), Victor Parra (violon), Juan Carlos Segura (synthetiseur), Zsolt G. Tottzer (violoncelle), le chœur polyphonique Schola Cantorum Paradisi Portae : Marcos Castrillo Sampedro (tenor), Alberto Cebolla Royo (baryton), Ruben Larrea Peralvarez (alto), Alberto Palacios Guardia (tenor) Conception La Ribot, Asier Puga

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