Mon festival d’Avignon 2024 (off)

Le festival off d’Avignon proposait cette année plus de 1600 spectacles! C’est dire à quel point il est difficile de faire les bons choix, même sur une semaine. La clé est de choisir les bons lieux: pour moi au départ, surtout le 11.AVIGNON, la Manufacture, la Factory, le Train Bleu. Cela limite un peu la pioche. Les avis des spectateurices sur place ou ceux des réseaux sociaux ne reflètent pas souvent vos propres attentes ou alors, il faut bien connaître les goûts de l’émetteur.ice.

Par exemple, choisir pour l’auteur.ice du texte, ou pour le nom cité d’un.e auteur.ice aimé.e:

Joel Pommerat et son « Petit Chaperon rouge » de 2004. Je n’ai pas vu l’original, mais celui- ci, interprété par deux actrices, très simplement scénographié, est tout à fait réussi.

La petite fille pensa qu’elle en avait peur, c’est vrai, mais que cette chose ne ressemblait en rien à la bête monstrueuse qu’elle s’attendait à rencontrer dans les bois, comme le lui avait prédit sa maman, au contraire.

Cie Ah si c’est comme ça Théâtre Pierre de lune

Tiago Rodrigues et sa « Bovary« , reprise par une troupe dijonnaise en revanche, est si mal joué par le rôle titre, avec tellement d’outrance maladroite, qu’il devient un ratage complet malgré une judicieuse mise en scène du procès de 1856 que Flaubert a subi pour atteinte à la morale publique et à la religion.

Cie Mises en scène Théâtre L’Entrepôt

Sarah Kane et « 4.48 Psychose« , un classique auquel je n’avais jamais assisté, très réussi grâce à son interprète, Cécile Fleury. Un texte malaisant, écrit juste avant le suicide de son autrice, joué par une actrice qui le vit dans son corps avec une immense intensité, cela donne un moment très dérangeant et le théâtre, c’est aussi cela.

Cie Du Refuge La Luna

« Personne n’est Pessoa« , une création poétique mêlée de performances circassiennes. Un spectacle sur l’identité ou plutôt les identités multiples, à l’image du grand écrivain  démultiplié sur scène. Tout en harmonie et en douceur, en petites touches imagées et performances diabolesques (!), Nicolas Pires rend hommage à l’écrivain tout en évoquant son itinéraire personnel.

Jonglargonne Théâtre Pierre de Lune

« Je voudrais parler de Duras » de Yann Andrea, l’amant de la fin de sa vie. Une pièce pas mal rendue, mais qui m’a atterrée. Lui évoque son amour passionnel pour Marguerite Duras qui le tutoie et qu’il vouvoie, et je ne vois que l’emprise monumentale qu’il a subie, obligé qu’il fut de lui obéir en tout jusqu’au menu du jour, jusqu’aux paroles dites, jusqu’à son homosexualité réprimée. Edifiant.

Cie Bajour La Manufacture

« Il n’y a pas de Ajar« . Ce brillant « monologue contre l’identité » de Delphine Horvilleur, rabbin et journaliste, est non seulement un texte admirable, mais il est également joué par une magnifique interprète, Johanna Nizard. Le personnage d’Abraham Ajar serait le fils imaginaire d’Emile Ajar, l’écrivain fictif gréé par Romain Gary. Il nous rappelle la force des noms, gary signifiant brûle et ajar, braise en russe, tandis qu’en hébreu, Ah’ar est « l’étranger en moi » et « l’autre ». Avec ce spectacle l’autrice dénonce les dangers identitaires politiuques, religieux, genrés, etc. « L’origine, ça ne compte jamais autant que ce qui t’arrive en route » . Texte remarquable, ironique et drôle, aussi léger qu’important, on y retrouve l’éloquence teintée de bienveillance de cette grande dame qu’est Delphine Horvilleur.

En votre Compagnie Théâtre 11.AVIGNON

Choisir une pièce pour son thème:

« Les Héroïdes« , six comédiennes, musiciennes également, s’emparent des écrits d’Ovide et réinterprètent les histoires de sept femmes de la mythologie grecque, leur offrant un destin moins tragique et plus contemporain, plus féministe aussi. Cette pièce est un coup de coeur pour son dynamisme et son impertinence, ses talentueuses interprètes virevoltantes et son texte mêlant antique et contemporain, femmes du passé et actuelles.

Le futur est dans le présent. Il ne faut plus que le passé fasse l’avenir.

Cie Brutaflor Théâtre 11.AVIGNON

« Cicatriciel« , l’histoire vraie de Sarah Vincent Guillot, né.x.e intersexe. Un récit poignant qui permet d’effleurer les parcours qui sont (étaient?) imposés aux personnes nées avec un sexe indéfini ou mêlé. On parle d’intersexuation pour 1,7 % des naissances (plus d’un vingtaines de types différents). La violence de la médecine à l’encontre des enfants de ce type fut atroce et l’histoire qui est racontée ici dénonce ces réassignations forcées (alors que notre société rechigne à comprendre les transidentités volontaires). L’interprète trouve le ton juste, tout en nuances, assisté par une belle création sonore.

Cie Le chat foin Théâtre 11.AVIGNON

« Faut-il séparer l’homme de l’artiste?« . Voilà une question à laquelle on est toustes confronté.e.s àe l’heure des Metoo qui se multiplient en genres et en nombres. Un spectacle remarquablement ficelé qui est une vraie comédie et pas seulement une conférence philosophique. La mise en scène d’Etienne Gaudillière et de Giulia Foïs décrypte l’histoire et les arguments, creusant les questions annexes:  que faire de l’oeuvre si l’on accuse l’artiste (Polanski, Céline), que signifie être neutre, doit-on déboulonner (rues, statues), un texte injurieux vaut-il un crime (Orelsan), etc. Un spectacle qui informe et qui argumente, où l’on réalise que tout cela dépasse largement la polémique de l’homme et l’artiste (une femme est violée toutes les 7mn en France et seulement 2 % des viols débouchent sur une condamnation).  A voir absolument par tousxtes. Passionnant!

Cie Y  Théâtre des Carmes

« Stormy Weather » pour du bon jazz jazz et des amitiés râleuses. Un trio musical et amical, où les situations conflictuelles mènent à des improvisations musicales qui rassemblent. Sympa!

de Thierry Delair théâtre l’Arrache Coeur

Choisir une pièce pour son titre:

« Un pas de chat sauvage« , texte de Marie Ndiaye, avec Nathalie Dessay. Tout comme Hilda de la même autrice en 2018, la pièce n’a pas soulevé mon enthousiasme. Elle m’a cependant permis de faire connaissance avec Maria Martinez, cantatrice cubaine du XIXe siècle surnommée la ‘Malibran noire’. Précédant Joséphine Baker d’une soixantaine d’années, elle n’a pas obtenu son succès dans ce Paris d’époque colonialiste et raciste. Une enseignante blanche et une artiste noire s’y intéressent toutes deux, mais qui aura le monopole de l’appropriation? Un spectacle ou musique texte et danse sont réunis.

Cie Longtemps je me suis couché de bonne heure Théâtre des halles

« Toutes les choses géniales« , une magnifique interprétation de Catherine Hauseux. C’est un spectacle participatif, et quasiment tout le public aura son mot à lire et peut-être même à dire. Habituellement je n’aime pas ça, mais là c’est très bien ficelé et pas gênant du tout (pour moi qui n’ai rien fait). Cela parle du suicide de proche avec beaucoup de finesse et d’émotion.

Cie Caravane Théâtre de la condition des soies

Choisir au hasard des présentations ou des représentations:

« Jeanne« , le seul spectacle du 11 qui ne m’a pas plu. Psychose névrotique, révélation spirituelle ou délire hallucinatoire? Elle quitte mari et enfants sans explication et on nous montre une scénographie ambitieuse pour ne rien nous dire… je n’ai rien compris et ne me suis pas envolée.

Cie des lucioles Théâtre 11.AVIGNON

« Dans ta gueule », une pièce qui veut parler de la violence. Foutraque (trop de sujets), très moche (scénographie inesthétique) et aussi trop long. Juste un violoncelle pour mettre un peu de poésie dans ce magma poussiéreux. Dommage.

Cie La Tribouille Théâtre La Luna

« Rouille et Paillettes« , une comédie dramatique familiale rondement menée et avec brio. Iels vivent dans une fête foraine aussi déglinguée que tape-à-l’oeil, comme l’est la vie de l’adolescente entre un père euphorique et une mère dépressive. C’est tragique mais drôle, parsemé des fantasmes de chacun.e, tueuse en série, danseur de tango, gloire et beauté. Une galopade effrénée au rythme trépidant. Par une compagnie suisse.

Cie Teatro la Fuffa Théâtre 11.AVIGNON

« Promesse« , cinq danseuses comédiennes, leur metteuse en scène et le producteur livrent un spectacle argumentaire et corporel sur le genre, le doute, la violence, les inégalités, l’homosxualité, le désir, la masculinité, la maternité, etc. Et celui-là n’est pas foutraque du tout, mais cohérent et plein de bon sens, de rage et de tendresse, de préjugés déconstruits et de chevaux de bataille dont l’émancipation est un sujet central. Leurs danses faites de postures illustrent les émotions qui surgissent de leurs propos féministes et leurs résistances politiques. Magnifique!

Cie HKC Théâtre 11.AVIGNON

« Stabilité temporaire« , je ne sais plus trop ce que j’ai vu sinon qu’on y parle d’un crime sordide qui débarque dans une histoire de couple adultère, on se demande pourquoi. Un théâtre dépassé à mon goût et classiquement obsolète. Anecdotique et sans intérêt.

Théâtre de l’Optimist

 

A suivre, le compte-rendu 2024 de mon Festival Avignon in en neuf spectacles.

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3 réflexions sur “Mon festival d’Avignon 2024 (off)

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