Arsenic, Lausanne, du 17 au 21 avril 2024
(photo en-tête Julie Masson)
L’intérieur, ce qui est au-dedans. L’intérieur de quelqu’un, son lieu d’intimité, mais aussi le monde de ses pensées, secrètes, informulées. Celui dont l’accès ne nous est pas forcément offert, même par nos relations les plus proches.
L’histoire qui nous est racontée est une enquête, celle entreprise par Julia Perazzini pour retrouver les traces de son grand-père italien, lequel abandonna sa grand-mère et leur fils (le père de Julia) et dont le souvenir n’est jamais évoqué dans la famille. Pourquoi? Qui est-il?
Se retrouver dans l’appartement d’une personne proche décédée (ici la grand-mère) est une expérience que chacun.e.s font ou feront un jour. Une ingérence, expérience chargée d’un certain mystère qui se dévoile ou s’épaissit peu à peu.
Grâce à un dispositif scénique très simple composé d’une moquette blanche et de trois coffres recouverts de cette même texture, Julia Perazzini dresse le décor et dispose les éléments nécessaires à sa narration. Elle en est l’interprète et en a réalisé la conception et l’écriture.
Durant l’introduction, qui se passe en voix off , la comédienne installe sur le sol les objets qu’elle retire des coffres, ceux découverts chez sa grand-mère après son décès, en l’occurrence une multitude de sacs à main (désolée de spolier cela), desquels elle sortira plusieurs accessoires au fur et à mesure du récit.

Elle décide alors d’en savoir plus sur ce grand-père énigmatique. Au fil de ses recherches, Julia rencontre différents individus, que ce soit par téléphone interposé ou en chair et en os. A l’aide de menus changements, ce sont près d’une vingtaine de personnages qui prennent vie durant ce seule-en-scène. Un vêtement, une perruque, des lunettes, une posture lui suffisent à marquer une personnalité. Ce n’est pas tant la voix de la comédienne qui change, mais le ton, l’accent, l’expressivité, l’intensité qu’elle y implique. Un superbe travail d’artiste. Issus des rencontres initiales, les textes sont remarquablement réécrits et interprétés. Ils accompagnent le ressort dramatique avec efficacité.
Peu à peu l’enquête se précise, des pistes se concrétisent. L’actrice/protagoniste nous fait vivre ses échecs, ses espoirs, ses rencontres. En voix off, elle livre ses pensées et ses réflexions. Une musique d’ambiance soutient le mystère autour de ce personnage du grand-père aussi fuyant qu’insaisissable.
Poursuivant son travail passionnant sur les identités, Julia Perazzini démontre, avec cette création, les multiples facettes de son talent. Bien qu’ayant à mon sens mérité d’être resserrée (2h15), la pièce est palpitante et le jeu fascinant de sa conceptrice n’y est pas pour rien.
