
Cette carte postale est affichée chez moi depuis huit ans. Elle est pour moi indissociable de l’idée de l’insignifiance de l’Humain face à la Nature et de son acharnement inconsidéré contre cette dernière. L’artiste juché sur cet iceberg joue à le faire fondre avec un chalumeau. Comme on scierait la branche sur laquelle on est assis. N’est-ce pas ce qui se joue en ce moment? L’artiste plasticien, vidéaste et photographe Julian Charrière(site) a fait le voyage en Islande pour illustrer cette métaphore.
Ci-dessus l’oeuvre « We are all Astronauts », 2013, acquise en 2015 par le MCBA-Lausanne. L’installation est composée de treize globes terrestres abrasés suspendus en l’air, qui semblent flotter au-dessus d’une table. Les mappemondes, de tailles et de matériaux divers, datent de 1890 à 2011, et l’artiste a poncé leurs contours géopolitiques successifs et changeants jusqu’à ce que les territoires soigneusement dessinés disparaissent de leur surface. Pour ce faire, il a créé un « papier de verre international » avec des échantillons minéraux provenant de tous les pays reconnus par l’Organisation des Nations Unies. La poussière due au ponçage s’est déposée sur la table au-dessous de chacun des globes, créant des îlots et des continents colorés, une cartographie imaginaire.
Depuis, ses travaux sont régulièrement exposés en Suisse : au MCBA-Lausanne (noix de coco contaminées par radiations nucléaires) et au Festival Vevey Images (vidéos de destruction au parc des Arches en Utah). Il participe à la Biennale de Venise 2017 où il expose ses colonnes de sel de Lithium. En 2021, après Lugano, Aarau et Art Basel Miami, le voici exposé au Dallas Museum of Art (« Towards No Earthly Pole »).
Au centre de son travail, l’anthropocène, encore et toujours. Cet âge de la planète où l’empreinte humaine surpasserait les forces géophysiques. Une période qui aurait débuté aux alentours de la révolution industrielle (1850). Si cette appellation n’est pas officielle, pour autant les traces humaines sur terre sont indélébiles et l’entropie (tendance au chaos) qui en découle bien réelle.

Julian Charrière est né à Morges dans le canton de Vaud en Suisse Romande. Il travaille et vit à Berlin. Il a étudié, entre autres, à l’Institut d’expérimentation spatiale de l’artiste Olafur Eliasson. Il a coopéré avec Julius von Bismarck ou avec le collectif Numen. Son travail impressionnant se déploie sous plusieurs formes: performances, sculptures, photographies, vidéos… et explore différents problèmes écologiques liés au réchauffement climatique, aux émanations radioactives, aux dégradations humaines sur la nature … en collaborant avec des spécialistes, scientifiques, philosophes ou ingénieurs.
Ci-dessus, un autre exemple saisissant de son travail: les photos et vidéos exposées en 2019 à Vevey de l’énorme canular de Julian Charrière et Julius von Bismarck au sujet du désert des Arches en Utah. L’humain dégrade la Terre nourricière à petit feu, pour sauvegarder son confort de vie. Qu’en serait-il si des sites exceptionnels étaient détruits brutalement par vandalisme ou terrorisme ? Les images ont scandalisé le public des actualités télévisées américaines. En réalité, elles ont été tournée au Mexique sur des arches artificielles construites à dessein, puis détruites par explosion et filmées sur Iphone.
«Si l’art conceptuel peut sembler froid et faire peur, l’esthétique donne les moyens d’entrer en dialogue avec une pièce»
Entre poésie, esthétisme, science, sociologie, Histoire, philosophie, l’oeuvre de Julian Charrière veut faire réfléchir et dépeint des paysages lointains confrontés à la civilisation, gardant un certain romantisme à la Caspar Friedrich, ce qui tient le public en éveil. Il est maintenant exposé dans les plus grandes manifestations artistiques. Il est l’un des quatre nommés au Prix Marcel Duchamp 2021 (résultats le 18 octobre).

Artiste qui a pleinement conscience de ce sujet qui semble irréversible, malheureusement. L’homme a détruit la planète et je pense sérieusement qu’il est trop tard.
Merci pour la découverte de Julian Charrière !
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