« Le Membre Fantôme » est le titre du groupe de sculpture présenté par Vanessa Beecroft au pavillon italien de la 56e Biennale de Venise. Elle y présente une scène visible uniquement à travers une ouverture entre deux murs de marbre. Un procédé qui rappelle l’installation de Marcel Duchamp « Etant Donnés 1°la chute d’eau 2°le gaz d’éclairage » (1943-1966) , que l’on ne peut contempler que par les deux trous creusés dans une porte de grange. D’ailleurs le torse doré central de la composition est une réplique du corps féminin moulé par Duchamp. Sauf qu’il est amputé du bras tenant une lampe, le gaz d’éclairage, dans la version de Duchamp.

Les performances habituelles de Vanessa Beecroft sont des tableaux vivants constitué d’êtres de chair, souvent des femmes, immobiles. Peu à peu le tableau se délitera du fait de la fatigue des modèles.

Dans cette installation, dispersés entre colonnes et blocs de pierre, les corps minéraux habitant cet espace semblent rescapés d’un éboulement. Leur apparence hésitent entre art contemporain et art antique. Il y est question de mémoire: dans le titre (le membre fantôme étant celui qui n’est plus mais dont la sensation d’appartenance est toujours présente), mais aussi devant la vision de ces corps féminins idéalisés, morcelés et figés. Modèles? mannequins? statues? effigies? archétypes? Que veulent nous dire ces silhouettes anonymes?

Ces corps ressemblent à des citations, des références qui nous paraissent familières. Issues de l’archéologie de l’antiquité grecque et romaine, mais dénaturée. Les couleurs,  les différentes pierres et les postures de ces femmes inorganiques sont inhabituelles pour des sculptures classiques. A part ces deux étranges gardiennes bicolores, elles ont toutes perdu la tête, lesquelles sont disséminées, abandonnées, vestiges parmi d’autres.

C’est dans l’histoire de l’art que l’artiste VB trouve son inspiration. Les corps vivants immobilisés de ses précédentes performances sont ici remplacés par des sculptures. Des représentations de corps calibrés, stéréotypé, des beautés glacées qui provoquent un certain malaise. Le membre fantôme, se pourrait-il que ce soit ce corps? Un idéal de beauté féminine qui date de l’antiquité, des critères esthétiques pour lesquels les femmes se privent de nourriture, s’exposent au bistouri de la chirurgie, s’essoufflent et transpirent pour le gainer et comprimer des chairs jugées envahissantes?

Et ces deux gardiennes à têtes noires, les seules entières, qui font le geste de couvrir leur nudité, n’évoquent-elles pas l’asservissement, l’oppression d’une tyrannie et un joug lourdement charrié?

Au centre, au tournant de l’histoire de l’art, ce tronc d’or au sexe offert… pour quoi? pour qui?

I wanted to transform the women into marbles, or into something between women and marbles. They looked like aliens—I related to that. In totality, it was like a camouflage of real and unreal; mimetic pieces made by real and unreal people. As in my other performances, there is the theme of the physical presence of live women, but with the presence of the stones, the ephemeral essence of the performance was reified. Vanessa Beecroft (Nowness.com)