Au théâtre de Vidy-Lausanne du 15 au 22 novembre 2019
Un «herbier thématique», des «tranches d’observation et de pensées», une «collection de fragments». C’est ainsi que les autrices décrivent leur production. Construite par Antoinette Rychner à partir de listes, de dialogues, de citations, de monologues et de récits récoltés entre 2015 et 2019, cette oeuvre théâtrale, conçue et mise en scène par Maya Bösch, est tirée d’un ensemble littéraire plus vaste, qu’elles nomment «réservoir».
Les termes guerre et Suisse appariés paraissent improbables…En vérité, l’écrivaine Antoinette Rychner s’est inspirée d’une trilogie du dramaturge britannique Edward Bond. Elle a ainsi élaboré son travail en trois chapitres parsemés de réflexions diverses sur la «suisse attitude» face à la violence. Ni bilan, ni journalisme, selon Maya Bösch, c’est un texte poétique qui nous est proposé ici.
Oui, en Suisse aussi il y a des cigales qui votent à gauche et des fourmis nationalistes. Est-il plus facile de soutenir les valeurs démocratiques et les droits humains lorsque l’on est issu d’une classe aisée? La crainte pour la patrie rend-elle fasciste? Une fable introduit la représentation et déjà, invite à la réflexion.
Un plateau conçu de praticables échafaudés à différentes hauteurs, comme des étagères de rangement, assemblage traversé en son centre par un bandeau qui affiche phrases ou mots clés lumineux.
Sept personnages hétérogènes se partagent la scène et donnent vie aux multiples facettes de l’Helvétie contemporaine. Avec verve et humour, éclat ou gravité, ils se livrent, s’expriment et se confrontent, se déplaçant parmi les surfaces superposées de l’architecture.
La première partie évoque l’hypothétique «rétablissement de la peine de mort», dont une initiative populaire (un wikipédia vivant définit ce terme de la politique suisse) avait été déposée en 2010, initiative qui n’a pas récolté un nombre suffisant de signatures (il en faut 100000) pour être soumise à la votation. Abolie en Suisse en 1942, la peine de mort reste un sujet populiste à controverse. Les arguments fusent de part et d’autre. Le texte liste les cas où certains la trouve légitime, démontrant avec quelle facilité on aboutit au dérapage.
En seconde partie, on inventorie les «ennemis». Imaginaires ou réels? Les injonctions entendues lors de l’enfance «Fais attention…» refont surface. Le doute, l’effondrement possible, la menace terroriste, l’immigration, le racisme…la plupart des suisses jouit de confort et de sécurité, cela n’empêche pas les penchants xénophobes…ni la bienveillance d’ailleurs, mais comment la montrer? «Ne pleure pas…», autre injonction mémorisée, mais ici de manière bien futile face à ceux qui subissent le pire. Une scène émouvante.
«La grande paix» est le troisième chapitre. La Suisse garde une politique globale de paix, mais tient à son armée. La devise «Si tu veux la paix prépare la guerre» rôdait parmi l’ancienne génération, balayée par la nouvelle. Les sacs UNHCR tombent avec régularité des plus hauts étages de l’échafaudage. Et puis, individuellement, es-tu touché par la misère? A partir de quelle distance? Ou tu t’en fous? Ton don, tu le fais pour l’éléphanteau ou les réfugiés? Nos outils portent trop loin et la culpabilité envahit le dépassé occidental.
Inévitablement, il faut réaliser notre impuissance. Ne reste plus qu’à se rassembler pour tout recouvrir d’une couche de pureté. La toile des parachutes servira à habiller l’ensemble d’une blancheur de neiges alpines.
Le texte mentionne une grande variété de thèmes qui ébauchent à grands traits, en s’appuyant sur son histoire, les représentations de la guerre, de la violence, de la peur, de l’impuissance, ressentis par cette population. A l’image de la scénographie, c’est une architecture, une superposition de faits, de narrations et d’observations. Malgré son poids sociologique, la construction est aérienne et l’on ne s’ennuie pas une minute.
Vous désirez en savoir plus sur la mentalité qui fait la Suisse? Slalomer sur les pentes immaculées d’une neutralité légendaire? Poétiquement, ce spectacle offre des pistes à toutes les catégories de skieurs!

Bösch et Rychner – Pièce de guerre en Suisse – Photos de répétitions (c) Laura Spozio
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Ce que l’on appelle la formule magique dans le système de concordance politique suisse est une règle tacite concernant la répartition des sièges au Conseil Fédéral.entre les principaux partis politiques du pays. (Plus sur cet article du journal Le Temps)
vivement que j’apprenne qqchose sur le ski suisse……
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Cette pièce est tout schuss!
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