Du 20 au 22 septembre 2019 au théâtre de Vidy-Lausanne


Entretemps, les peines de coeur comme les attirances érotiques vont bon train. Celle-ci s’unit par intérêt, celui-là jubile de la découverte de son homosexualité. Madame s’éclate avec un don juan invétéré, tandis que son fils attend l’arrivée d’une hypothétique fiancée américaine. Certains usent des services rémunérés d’une prostituée joyeuse et vénale, une autre étouffe ses désirs et pond des bébés avec un individu immature bien qu’ attachant. Un ange blond, superbe et indifférent, observe les actions de cette vingtaine de personnages, jeunes et vieux, et s’occupe de la maintenance en servant des verres d’alcool.
Les faux départs s’enchaînent. On tâche d’enfermer la grand-mère qui ne cesse de s’échapper de sa maison de retraite. Ceux qui ne sont plus reviennent en rêve, tentant de convaincre les vivants de les suivre grâce à de divines douceurs. L’hypocondriaque semble impérissable et s’accroche à son sac terrestre. Et le rêve du paradis suisse reste à jamais inatteignable.
La fiancée américaine finit par débarquer (trop tard pour son prétendant, alors trépassé), exécutant un show typique de vlogueuse hyper stéréotypée avec jeux de lèvres et appels aux followers, ovni peroxydé débarquant d’une planète à contretemps, sa perche à selfie en guise de filtre à émotion.
Tout cela pourrait sembler triste à pleurer, mais il y a l’humour omniprésent du texte, le jeu exacerbé des comédiens, tous excellents, la musique de haute qualité (qu’elle emprunte au jazz ou à la dance music), les lumières aux ambiances surprenantes, la diversité des costumes et leur extravagance drolatique, les projections vidéos, d’animation ou en direct. Un mélange détonnant de drame et de burlesque, de comédie et de réalisme, regorgeant de dynamisme et d’idées originales.
Des deux femmes ayant réussi à s’en aller véritablement, l’une revient et dépeint dans un long monologue hilarant son voyage organisé décevant dans une Europe uniforme et l’on s’aperçoit que le but de l’autre était en fait un retour à des sources originelles qu’elle avait omises.
Au-delà de la magistrale tragi-comédie humaine qui en ressort, l’immense metteur en scène qu’est Krzysztof Warlikowski transcrit, dans cette pièce d’origine israélienne, le paradoxe que vit la Pologne actuelle avec le retour du parti conservateur au pouvoir et la vague d’émigration conséquente des polonais. Et la métaphore du départ, grand ou petit, est universelle.
«Faire ce spectacle, pour moi qui travaille beaucoup à l’étranger, c’est justement un retour à la Pologne : en être, être parmi les autres, avec eux, dans cette atmosphère crépusculaire qui s’étend. C’est être dans l’éternel paradoxe de Gombrowicz. Je suis encore plus parti à cause de ce qui se passe dans ce pays, et encore plus revenu. « Entretien avec Krzysztof Warlikowski dans Le Monde, par Fabienne Darge, 30 juin 2018 (extrait)
Toutes les magnifiques photos sont de Magda Hueckel.
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Pour réduire l’exil des jeunes actifs polonais de moins de 26 ans, le gouvernement est prêt à les exonérer d’impôts. Il a la volonté de réduire leurs départs et même de motiver la diaspora polonaise à rentrer au pays. Une mesure qui peut paraître spectaculaire, mais ne l’est pas tant que ça lorsqu’on y regarde de plus près. Article de l’Express ICI. La manoeuvre rend les jeunes sceptiques, ressemblant à un populisme de période électorale. 1,7 million de Polonais se sont exilés en 15 ans, l’équivalent de la population de Varsovie, dont près d’un million au Royaume Uni. Le Brexit va-t-il les inciter à rentrer au pays?
L’artiste israélienne Yael Bartana a représenté la Pologne à la Biennale de Venise 2011. Ses travaux sont une réflexion sur l’identité, la nation, la communauté et l’engagement politique. Elle bouscule les frontières entre fiction et réalité, passé et présent et crée un mouvement fictif, le « Mouvement de la Renaissance Juive » en Pologne(«The Jewish Renaissance Movement in Poland (JRMiP)»), qui demande le retour de trois millions de juifs en Pologne. Dans son triptyque vidéo, elle présente d’abord le discours d’un jeune activiste polonais exhortant les juifs à revenir en Pologne, puis l’édification d’un Kibboutz au centre de Varsovie et enfin les funérailles de l’activiste assassiné. Lire l’article ICI.
en effet….les photos sont magnifiques….!
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