Au théâtre de Vidy-Lausanne les 18 et 19 mai 2019.

D’impalpables nuages tapissent le fond de scène et se prolongent sur le plateau. Des astres translucides, bleus et jaunes, flottent au gré des mouvements de l’air, mélangeant leurs teintes, suscitant de nouvelles nuances.
Il y a Antoine, dépeint par Sofia Dias, et il y a Cléopâtre, dessinée par Vitor Roriz. L’un EST l’autre et réciproquement. Unis par un amour qui parait symbiotique, tel que l’idéalise la passion, ce sont leurs mains qui dansent l’autre dans une chorégraphie subtile, épurée et évocatrice qui laisse place à l’imagination.
Antoine dit: «Cléopâtre respire» et Cléopâtre dit: «Antoine respire». Une adoration qui n’a pour frontière que le corps de l’autre.
Pourtant le récit commence par la mort. L’issue tragique ne fait aucun doute. Ils le voient, mais ne le croient pas. Le futur doit être changé, l’amour peut tout. Entre libido personnelle et emprise politique, l’évocation seule de l’odeur de l’autre équivaut à sa présence et c’est son âme entière qui envahit l’espace. Même revêtir son costume est une façon de s’unir à l’autre.

Dans cette adaptation de la pièce de Shakespeare, l’histoire de ces amants maudits prend vie et chair par l’effet de répétitions orales, ainsi que par celui de la gestuelle. Le déplacement du corps, l’esquisse d’un geste, l’insistance d’une phrase et l’accumulation des mots révèlent inexorablement leur dépendance mutuelle.
Osant user des mots comme d’instruments contondants, Tiago Rodrigues assène, par la bouche des amants, les mots qui disent l’existence de l’un et, par là même, la raison de vie de l’autre. L’éternel discours amoureux, par fragments de gestes, de regards et de mots, est restitué au présent de l’humanité. Plutarque a dit que «L’âme d’un amant vit dans un corps étranger».

Extraordinaire moment que celui où ils se jettent des mots qui se fondent les uns dans les autres, pareil à une expérience de mort imminente où la vie entière se déroule en un clin d’oeil, revivant leur histoire partagée jusqu’au dénouement fatal.
Puis Cléopâtre inspire et Antoine expire et Cléopâtre joue avec le serpent. Alors, résolument, ils sortent de scène.
Emaillée d’extraits de la musique du film «Cléopâtre»(1963) de Mankiewicz, cette pièce démontre une fois de plus, après «By Heart» et «Sopro», le talent formidable que possède Tiago Rodrigues pour attester de l’âme humaine par le théâtre. De Plutarque en passant par Shakespeare, son texte revisité offre une modernité infaillible à ce récit qui dit la vision du monde à travers la sensibilité d’âmes étrangères. Quel canal plus efficace que celui de l’amour pour un tel message?
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Antoine et Cléopâtre vivent un amour passionnel où l’odeur de l’autre est un puissant moteur. Après la poésie, la science! Les hormones seraient la cause de la violente attirance créée par la passion, une émotion incontrôlable qui fait abandonner toute raison.
Les neurobiologistes ont démontré que nos aisselles sécrètent des phéromones qui pénètrent dans les narines de l’autre pour stimuler l’hypothalamus qui éveille alors tous nos sens. Le nez constituerait notre premier organe sexuel, à notre insu. En fait, nous ne sommes pas amoureux de l’être désiré, nous sommes « drogués » par les sensations et les émotions que nous éprouvons en sa présence. Advenant une rupture, nous éprouvons les mêmes symptômes qu’un héroïnomane en manque.
Un article qui en dit plus : Amour ou passion?

Vive les phényléthylamines, l’ocytocine et autres dopamines…. quelle désillusion…. !
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Bof, l’âge fait baisser la pression. Les passions sont d’un ordre différent et c’est tant mieux pour le mental!
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…. je ne suis peut-être pas encore assez âgé….. tzzz
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