« Titre à jamais provisoire » de Guillaume Béguin § Nikola Zaric (1961-2017)

Théâtre de Vidy, Lausanne du 25.09 au 6.10 2018

C’est à un essai rêvé sur l’essence même de la vie que Guillaume Béguin convie le public. Son statut est stipulé en règles dès le début de la représentation, par une voix monocorde qui dicte son credo aux cinq comédiens. Le théâtre, succédané du rêve, se chargera de nous emporter dans l’imaginaire.

Sur le plateau, des îlots de végétation. Au sein d’une forêt, figurée par un très beau panneau mouvant, imprimé de troncs à mi-hauteur, l’humain est un chasseur ou un cueilleur, bientôt un « chacueille ». Les sens en éveil, l’enfance de l’humanité est animale.

Passant sur les jours, mois, années, siècles d’évolutions et surtout de révolutions, nous sommes transportés vers un futur robotisé incarné par une jeune femme qui s’adresse effrontément au public en langage adolescent. Elle a été générée artificiellement et s’avère androïde, un état dont elle tente l’apologie. N’y a-t-il pas en effet beaucoup d’avantages humains à se décharger des corvées sur les robots? En guerre, par exemple, n’éviterait-on pas, non seulement les morts, mais aussi les viols et autres abus inhérents aux conflits internationaux? Les algorithmes de la femme androïde réévaluent l’âge de assistance et adoptent un langage plus adéquat. Ses connaissances sont infinies, mais elle est condamnée à copier sans fin et ne peut accéder à l’invention. Sa psy trouve qu’il faut « la réancrer dans le hardware ». Conçue comme la « parfaite moyenne de vos moyennes »,  elle relate son existence en un long monologue et confie ses rêves, dont la création suprême: donner la vie.C’est oublier que le titre d’humain est à jamais provisoire, condamné pour le meilleur et le pire à une inéluctable évolution. L’enfant finalement conçu, élevé par une femme robot, est contraint à une solitude morbide. La solution serait-elle dans le retour à la condition initiale de chasseresse?

« (…) Enfin nous sommes rêvés par notre époque. En nous tout est déjà là, en puissance comme une chance de réalisation. Le futur est déjà là, le passé est encore là. Le temps nous traverse. «  (Note d’intention de l’auteur)

Le dernier commandement est délivré par le chien, animal sauvage devenu compagnon,  resté en lien sensoriel constant avec le monde. Témoin immuable, il commente l’ascension technologique qui semble enfermer l’humain dans une solitude située aux antipodes de la nature. Le danger serait d’oublier notre animalité. Les arbres eux-même n’ont-ils pas développé des contacts relationnels souterrains?

Les thèmes abordés sont d’une actualité essentielle. Non sans humour, les personnages scrutent la condition humaine et son devenir. Cependant, malgré des comédiennes admirables et un propos pertinent, cette pièce est quelquefois trop bavarde pour demeurer captivante de bout en bout. Telle celle de l’humanité à jamais provisoire, notre attention à son histoire gagnerait à être plus condensée.

§

Nikola Zaric, Autoportrait, 2016

Sauvegarder notre animalité…? Définir « animalité », svp!

Ce n’est pas seulement l’ensemble des êtres appartenant au règne animal, c’est aussi un concept philosophique censé dire l’essence de l’animal, essence elle-même contenue dans la définition de l’être humain. L’animalité a longtemps été tenue comme étant l’opposé de l’humanité pour cause de manque de raison. Actuellement, c’est la capacité à ressentir qui uni les êtres et, plutôt que leurs différences, leurs similitudes.

 

Nikola Zaric (prononcer Zaritch) est un sculpteur suisse issu d’un père serbe et d’une mère suisse. Après une enfance aux Pays-Bas, il étudie à Zürich, devient ingénieur forestier et reprend des études d’art à Genève.

Ses sculptures sont modelées dans une glaise parisienne qu’il réutilise indéfiniment. La sculpture modelée est ensuite moulée dans le plâtre, en plusieurs morceaux si elle est de grande taille. Dans ce moule est coulé le béton qui constitue la sculpture.

 

Les marques et scarifications dues aux outils utilisée aussi bien qu’au raccord des pièces sont laissées vives. L’artiste y voit les empreintes et cicatrices des blessures de l’existence. Invisibles sur le corps des vivants, elles sont significatrices d’épreuves, d’erreurs et d’essais qui insufflent une vie indépendante à l’oeuvre.

Vue de l’expo Espace Arlaud, Lausanne

Jusqu’au 11 novembre 2018 à l’Espace Arlaud et à la galerie Univers, Lausanne. Voir la video Zaric à Trient.

6 réflexions sur “« Titre à jamais provisoire » de Guillaume Béguin § Nikola Zaric (1961-2017)

  1. Merci pour cet article (belle évasion de mes textes en cours de traduction) …
    Quand on clique sur le lien vidéo :
    OUPS ! CETTE PAGE EST INTROUVABLE.
    Contenu Introuvable. L’outil de Recherche ou les Liens ci-dessous vous remettront peut-être sur la voie…
    Bizz

    J’aime

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