
En ouverture de saison, c’est à un spectacle tout public que nous convie le théâtre de Vidy. La troupe du cirque Baro d’evel, emmenée par Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias, propose un ensemble de saynètes dansées et jouées autour des thèmes de l’identité et de la coexistence.
Un chapiteau entouré de caravanes où l’on entre groupés, d’emblée avertis que « oui, c’est commencé et c’est par là, s’il vous plaît, suivez la lumière ». Nous sommes guidés derrière les gradins, un tour dans ces coulisses circulaires, maquillées de fresques évoquant l’art pariétal, mêlant silhouettes humaines et chevalines : origines communes. Ensuite, c’est l’arène, le passage à la vie. Celle des quatorze comédiens: huit humains, deux chevaux, trois perruches et un corbeau pie. Ils y explorent leurs rencontres, leurs luttes, leurs émois. Equitablement. Tout est fluide et tonique à la fois. On s’y effondre avec légèreté, on s’y élève avec grâce, on s’y confronte sans conflit. Les chorégraphies se suivent, menées tour à tour par un cheval, un oiseau ou un humain. Aussi harmonieuses que joyeuses.
Ici, c’est la peur que la voix exorcise, le cri se transforme en chant lyrique. Là, on se dispute: l’amour ou l’argent? Plus loin, un homme s’épuise à redresser seul le monde qui s’affaisse. Ou encore les voltiges d’une femme, confiante envers le groupe qui la porte. Arrive aussi une radieuse drôlesse, toute en hauteur et finesse, perchoir à oiseaux, prônant l’amour et la beauté. Et deux chevaux montés par de drôles d’oiseaux. Humour et bienveillance, musique et chants, agilité et maîtrise, rythment la poésie de ces rencontres.
L’absurde côtoie la sagesse comme l’humain sa propre animalité. Le sens se passe du langage, c’est le corps qui se l’approprie et danse la parole.
Ce spectacle, tout en rondeur circassienne, joyeusement mené par cette compagnie inventive, est un grand moment de plaisir. Empli de métaphores philosophiques ou acrobatiquement visuel, le public y est nourri selon son propre appétit. Pour tous les âges et toutes les inclinations.
Du 11 au 16 septembre au théâtre de Vidy, Lausanne.

La pièce Bestias approche indirectement la question de l’équité entre humain et animal. Le cirque était habituellement un espace où a longtemps régné la domination de l’humain sur l’animal. Pour sa compagnie Baro d’evel, la Française Camille Decourtye, cavalière et musicienne, se forme en tant que voltigeuse. En 2004, elle intègre les chevaux dans les projets de la compagnie et développe avec eux une pratique éthologique basée sur la liberté et la communication par le corps, en cherchant le jeu et la mise en avant de la singularité de chaque cheval.
C’est ainsi que dans nos spectacles l’animal a le rôle de guide, d’observateur, et de celui qui pose les questions. Pour moi les animaux de notre compagnie ne sont pas là parce que nous avons souhaité leur faire une place mais parce qu’ils sont eux aussi le Monde que l’on raconte. C.Decourtye et les animaux
Comment s’approcher d’une collaboration avec les bêtes sans oppression, avec un projet basé sur l’équité?

C’est donc la question du spécisme qu’il faut ouvrir si l’on décide d’y aller voir de plus près. Le spécisme est à l’espèce ce que le racisme est à la race, et ce que le sexisme est au sexe : une discrimination basée sur l’espèce, presque toujours en faveur des membres de l’espèce humaine.
Qu’est-ce que la raison? Qui est doué de raison? Et la raison, la conscience, est-ce vraiment une raison? A quoi tient réellement la distinction?
Ils parlent de cette chose dans la tête (…). Quel rapport avec les droits des femmes ou les droits des Noirs ? Si ma tasse ne tient qu’une pinte et la vôtre un litre, ne serait-ce pas méchant de votre part de ne pas me permettre de remplir ma petite demi-mesure ?
Sojourner Truth, féministe noire, devant une convention féministe aux États-Unis en 1850, citée dans Animal Liberation, P. Singer
Je partage ici, puisqu’il faut savoir de quoi on parle, un lien vers le site Web des Cahiers antispécistes où le terme et ses différentes implications sont développés : Qu’est-ce le spécisme? par David Olivier.

Nous avons vu ce spectacle il y a quelques années. Depuis nous ne ratons pas la venue de cette compagnie régulièrement pour le festival Circa ici, à Auch, dans le Gers. J’adore ce qu’ils proposent.
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Oui, la dynamique est extraordinaire!
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C’est vrai que c’est une question délicate car de toute évidence jamais un animal ne « choisit » de faire partie d’un spectacle, même si dans ce cas l’approche est tout autre que dans les spectacles traditionnels.
Faut-il faire faire, et si oui quoi, des choses aux animaux qu’eux-mêmes ne font pas dans la nature ? – même avec de bonnes intentions.
Merci.
K&M
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Il faut effectivement s’interroger et ouvrir la discussion. En parler, c’est faire avancer la cause animale.
Merci à vous!
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