A la Citadelle de Sisteron, c’est une affaire qui roule, la mécanique bien huilée des spectacles d’Alexis Michalik fonctionne à merveille. Le public salue avec enthousiasme un théâtre classique qui l’aguiche malicieusement autant que malignement.

Edmond, c’est Rostand, l’auteur de la célèbre pièce Cyrano de Bergerac, tragi-comédie héroïque et romantique. Nous assistons ici à une pièce dans la pièce, Michalik proposant une  représentation partielle de Cyrano au travers du récit de sa création par Rostand. Il transpose l’intrigue de Cyrano dans la vie d’Edmond, ce qui, semble-t-il, pourrait être une partie de la réalité. En effet, Rostand fut tôt fasciné par le personnage réel de Savinien de Cyrano de Bergerac. Il aurait aussi, par sa belle plume, aidé un ami à séduire une femme. D’ailleurs, la pièce d’origine n’est pas loin d’être elle-même du théâtre dans le théâtre .

Il en résulte une mise en abyme qui réjouit un public conquis à l’avance par un sujet connu, lequel est agrémenté d’humour séducteur et de rebondissements populaires.

Créée par Edmond Rostand en 1897, juste avant l’avènement du cinéma, elle sera le dernier triomphe de la grande époque du théâtre parisien. Gageons que le scénario de Michalik stimulera la fréquentation des théâtres, ainsi que le goût d’en découvrir les autres facettes. Le genre Boulevard est certainement drôle et appréciable, mais il est jonché de clichés qui enferment plus qu’ils ne libèrent.

Cette pièce cependant compte quelques jolis moments et surtout une astucieuse scénographie. On y assiste au fonctionnement théâtral grâce à une chorégraphie technique parfaitement agencée: la touche Michalik. Le jeu des comédiens, « moliérisés » ou pas, ne m’a pas bouleversée, ni même touchée. La légèreté d’une comédie supporte mal certaines interprétations qui m’ont parues pesantes à plusieurs reprises.

La pièce de Rostand est librement inspirée de la figure d’Hercule Savinien Cyrano, dit de Bergerac (1619-1655). Qui n’était pas gascon, mais parisien. Poète et écrivain libre-penseur, son oeuvre s’inscrit dans le courant des libertins érudits. Ses « Histoires comiques des états et empire de la lune et du soleil » sont parfois considérés comme les premiers romans de science fiction. Satires et comédie en prose témoignent de son esprit rebelle. Ses écrits prônent une philosophie qui réfute les dogmes religieux et défendent la raison. Il est souvent décrit comme étant homosexuel. Joueur invétéré, il se serait ruiné et aurait fini sa vie dans la misère. Et il semble bien que la longueur de son nez ait effectivement été inaccoutumée.

Biblio: L’Autre Monde ou les Estats et Empires de la Lune et du Soleil (Classiques Garnier, 1933),  Œuvres diverses (Classiques Garnier, 1933),  Voyage dans la Lune, illustré de vingt eaux fortes originales de Lucien Coutaud (éd. Philippe Lebaud, 1971), Œuvres complètes (Belin, 1977), Œuvres complètes, tome I : L’Autre Monde ou les États et empires de la lune. Les États et empires du soleil. Fragment de physique (éd. Champion, 2001), Tome II : Lettres. Entretiens pointus. Mazarinades (éd. Champion, 2001), Tome III : Théâtre : Le Pédant joué ; la Mort d’Agrippine (éd. Champion, 2001).

Sa pièce en alexandrins LA MORT (d’)AGRIPPINE a été créée au festival off d’Avignon 2018 par Daniel Mesguich. Un spectacle d’une beauté plastique baroque et un texte qui l’est tout autant où le mensonge est un art que les personnages servent outrageusement.

Et pour finir sur un NEZ, cliquez sur lui pour parcourir cette revue olfactive qui explore les relations du parfum et de l’art.