« Imitation of Life » Kornél Mundruczó § one drop rule

Le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó (1975) a présenté son dernier film (Jupiter’s Moon) au festival de Cannes 2017. Il est le metteur en scène de cette « Imitation of life » au théâtre de Vidy, Lausanne (14 et 15 février 2018). En hongrois surtitré français. dossier de presse

En Hongrie en 2005, un fait divers a inspiré le metteur en scène Kornel Mundruzco ainsi que le texte de Kata Wéber : un jeune en tue un autre faisant penser à un crime raciste, la victime étant rom. L’opinion publique s’en émeut jusqu’au moment où il s’avère que le criminel nationaliste est aussi d’origine rom.

Depuis les gros plans filmé jusqu’au jeu des comédiens, en passant par des procédés scénographiques ébouriffants (Márton Ágh), la variété des propositions visuelles invite pour le moins le spectateur à ajuster son point de vue! Cette fabuleuse conception de l’espace scénique offre de percutantes métaphores qui insufflent une puissante résonance au récit.

Deux histoires sont contées, séparées par un grand, un immense bouleversement… La première est celle d’une femme rom d’âge mûr confrontée à l’huissier chargé de l’expulser de son logement, la seconde est celle d’une jeune femme qui reprend ce même appartement après la mort de la précédente occupante. Chacune est mère d’un garçon.

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L’interprétation de l’action est réaliste: vies précaires des personnages, chaos de leur histoire, mémoire de leurs blessures, injustes discriminations, tout est montré autant par le jeu généreux des comédiens que par leur environnement. Chaque personnage révèle son humanité sensible, la force devient faiblesse et vice versa, la certitude devient doute et l’inverse. L’huissier autoritaire puis empathique, la vieille mère sarcastique puis fragile, la jeune mère tour à tour bienveillante et négligente.

La quête d’identité du fils adulte et celle, à venir, de l’enfant, seront forgées par les ressentis et les aléas des existences de leurs mères, l’absence ou la réfutation de leurs pères, l’acceptation ou le refus de leurs racines. Cette quête devient le fil conducteur de ces fragments de vie, de ces drames essentiels ou futiles qui modèlent un destin.

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Une scénographie impressionnante et une magnifique interprétation, ne la manquez surtout pas si elle est produite dans votre région!

Cette image de Juanita Moore est tirée du film de Douglas Sirk, « Imitation of life »(1958), une des inspirations du metteur en scène.

John Stahl et Douglas Sirk ont tous deux filmé leur « Imitation of Life » ou Mirage de la vie, le premier en 1934 et le second vingt-cinq ans plus tard. Ils ont été tirés du roman de Fannie Hurst datant de 1933 qui traite des notions de race, de classe et de genre.

La one-drop rule (litt. règle d’une goutte) ou racial integrity act fut un principe social et juridique de classification raciale aux Etats-Unis. Edictée en 1924 par Walter Plecker, eugéniste et suprématiste blanc, cette règle  stipule qu’il suffit d’une seule goutte de sang noir pour que l’on vous considère comme « noir ». En effet, les américains blancs en étaient venus à craindre pour la pureté de leur « race » devant l’augmentation du métissage (produit par des viols sur des esclaves…). Cette règle anticonstitutionnelle et discriminatoire a été bannie, elle semble cependant ancrée au sein d’une partie de la communauté noire. Un article de slate.fr : Une question de couleur de peau?

 

4 réflexions sur “« Imitation of Life » Kornél Mundruczó § one drop rule

  1. A ma connaissance la question de la « pureté de la race » est une notion qui émerge avec l’Espagne de l’Inquisition: non content d’avoir voulu forcer la conversion des juifs et des maures ou sinon leur expulsion, les rois d’Espagne Isabelle la catholique et son époux Ferdinand II d’Aragon se méfiant de la sincérité des convertis décidèrent pour plus de sureté de les exclure des classes dirigeantes du pays, d’où la nécessité de prouver que l’on avait aucun ascendant juif ou maure en clair prouver la pureté de son sang
    A l’inverse les empires grecs, romains, chinois ou autres étaient par construction des empires cosmopolites

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  2. Un sujet fascinant et insondable. Malgré toutes les clés de compréhension dont nous disposons, nous n’arrivons pas à nous sortir de cette mélasse de racisme et de peur de l’autre… Je ne comprends pas, je ne comprends pas ! Merci Culturieuse pour cet article 🙂

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    1. Je viens de lire le livre de Colson Whitehead « underground railroad », dont le récit décrit les horreurs de l’esclavage avant la guerre de sécession. A lire pour ne pas oublier.
      Ta nouvelle « Délivrance » à ce sujet est bouleversante.

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