Paterson de Jim Jarmusch § poésie de W.C.Williams

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Embarrassée par plusieurs articles en cours de rédaction, je ne peux toutefois m’empêcher d’écrire quelques mots sur ce bijou de tendresse et de poésie qu’est Paterson.

Ce film, accessible à tous, me parait être un puissant antidote à la neurasthénie à laquelle nous sommes exposés par l’intermédiaire des divers médias. La civilisation, devenue pour beaucoup incompréhensible (stupide) et agressive (violente), que ce soit économiquement, politiquement, philosophiquement ou socialement, semble ne plus produire que chaos et confusion, tandis que l’espoir d’une lueur semble lointaine. Ou est-ce uniquement ma perception?

« Paterson » ne raconte rien d’autre que le quotidien banal d’un conducteur de bus et la routine quasi immuable de ses journées. L’amour qu’il voue à sa compagne est à l’aune de celui qu’il consacre à la poésie. Celle de William Carlos Williams et la sienne.

“We sit and talk,
quietly, with long lapses of silence
and I am aware of the stream
that has no language, coursing
beneath the quiet heaven of
your eyes
which has no speech”

William Carlos Williams

L’admirable réalisateur Jim Jarmusch nous balade au gré des journées de Paterson dans la ville de Paterson et se rit de nos attentes. Les incidents ne deviennent jamais des accidents, toute amorce de drame se poursuit dans l’humour et la bienveillance.

marvin_okL’importance de mettre de la poésie dans la vie est pour moi le thème principal de ce beau film. Un cinéma qui met l’art à l’honneur, l’art de la vie et de ses microscopiques détails qu’il faut savoir observer pour apprécier. Le contrepied que prend Jim Jarmusch au bruit et à la fureur, au sexe et à la violence du cinéma populaire, est à l’image de la junk food face à une cuisine préparée avec amour et les légumes du jardin.

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William Carlos Williams (1883-1963), avant d’être le célèbre poète et romancier américain, était médecin et pédiatre. Il est né et a exercé à Rutherford près de la ville de Paterson dans le New Jersey. Il est proche des poètes de son temps comme Pound ou Eliot, mais aussi de Man Ray, Duchamp et Picabia, avec lesquels il passe ses week-ends new yorkais. Dès 1915, il participe au mouvement « The Others » grâce auquel il rencontre le dadaïsme et le surréalisme. Son approche anti-académique de la poésie en fait un élément clé du modernisme américain qui veut décrire le monde tel qu’il est, avec un vocabulaire simple et approprié au sujet, abandonnant les formes traditionnelles de la poésie. Son influence a été revendiquée par les artistes de la Beat Generation.

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Photo passeport de W.C.Williams, 1921

Allen Ginsberg, lui aussi originaire de Paterson, a affirmé que William Carlos Williams avait libéré les voies de la poésie. Mais comme il est dit dans le film, lire la traduction d’un poème, c’est comme prendre une douche en imperméable, alors suivez le lien suivant pour y toucher un tant soit peu…

http://lesdouzedeblog.blogs.nouvelobs.com/tag/William+Carlos+Williams

954979Mais dans le désespoir et l’angoisse, ne jamais
oublier de conserver son ironie, pour qu’en
surgissent des pensées simples, convenables,
et ne jamais oublier, malgré ces pensées
simples et convenables, son angoisse
et son désespoir: grâce et précision d’une turbine –

(William Carlos Williams, extrait de PATERSON, traduit par Yves di Manno aux éditions José Corti)

11 réflexions sur “Paterson de Jim Jarmusch § poésie de W.C.Williams

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