Billet d’humeur § Stupéfiant!

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Le billet d’humeur qui suit a été écrit suite à la grande déception que j’ai ressenti lors cette première émission. Après l’avoir boudée pendant des mois, j’ai eu l’occasion d’en voir quelques autres épisodes dont certains reportages m’ont intéressé. Finalement, il est sûrement préférable de bénéficier d’une émission culturelle populiste que d’aucune. Novembre 2017

Un puits sans fond de vulgaires commérages racoleurs, le trou noir qui mène à l’acculturation. L’émission « Stupéfiant! » qu’anime la journaliste boulimique Léa Salamé est une catastrophe pour la culture en général et l’art en particulier.

Présentée comme se voulant culturelle, insolente et populaire, ces deux heures de transmission ressemblent à un hommage aux plus grands mégalomaniaques de la terre.

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Anish Kapoor n’est présenté qu’au travers de son geste capitaliste, son appropriation de l’ultra-noir (vantablack). Un scandale d’égoïsme, il est vrai, pour les artistes qui perdent ainsi le droit de tester cette matière fascinante. Mais surtout une affaire de gros sous qui n’élève pas son acquéreur, aussi talentueux soit-il, et conforte le public dans une perception immorale et pécuniaire du monde artistique.

Puis un reportage sur la mécène Maja Hoffmann, soeur de Véra Michalski et fille du créateur du WWF Luc Hoffmann, qui fait construire par le célèbre architecte Frank Gehry, à ses frais, un centre d’exposition à Arles, semble-t-il sans communiquer avec la population. Une revalorisation de la ville controversée devant une puissance monétaire qui fait plier les politiques. Mais tout n’est pas aussi simple: Bilbao n’était-elle pas une ville au bord de la faillite avant la construction du musée Guggenheim?

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Richard Avedon, « Katharine Hepburn », 1955

Toutes les photos sont précises, aucune ne dit la vérité. Richard Avedon, 1984

Durant le temps qui lui est consacré, le photographe Richard Avedon est traité plusieurs fois de salaud. C’est peut-être là l’insolence dont l’émission se réclame…Il n’a pourtant pas immortalisé que de sublimes mannequins, mais aussi la lutte pour les droits civiques aux USA ou les manifestants contre la guerre du Vietnam. Son travail a marqué une évolution dans l’art du portrait photographique, ce dont il est à peine fait mention lors du reportage.

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La galerie des miroirs, Palais Gangi, Palerme. Photo Benedetto Tarantino

La journaliste vedette interroge ensuite Alain Delon, en visite à Palerme dans le palais qui a servi de décor au célèbre film de Visconti « Le Guépard ». Du clinquant, du rutilant (saupoudré d’un zeste de grivois)! et l’acteur de se gargariser de son talent, de sa belle prestance, de sa notoriété, du monde qui fout le camp et de ses convictions politiques très, très à droite. La véritable princesse du lieu, elle, nous est présentée comme une combattante qui cherche désespérément des fonds de rénovation pour son palais.

Mais le pompon, c’est tout de même de faire un sujet avec l’abominable Donald Trump en tant qu’oeuvre d’art!!! Et ce qui nous est montré, ce sont, entre graffiti merdeux et sculpture zizirikiki, des travaux insignifiants et hideux. Andy Warhol, contacté à l’époque par l’atterrant clown américain, avait représenté, non pas l’homme mais sa tour. Qui n’a pas trouvé grâce aux yeux du milliardaire.

I should do a portrait of the building that would hang over the entrance to the residential part. […] It was so strange, these people are so rich. They talked about buying a building yesterday for $500 million or something. […] He’s a butch guy. Andy Warhol, 1981

L’émission « culturelle » de Léa Salamé est consternante de populisme. L’art en sort sali, souillé par cette image réductrice. La vision stéréotypée d’un art contemporain du profit uniquement est confortée auprès du public, alors qu’elle n’en est qu’une facette.

L’art a toujours eu besoin de mécènes, le Moyen Âge a déjà vu l’appropriation de couleurs, le statut d’artiste est si compliqué et précaire qu’il demande une bonne dose d’égocentrisme, l’opportunisme de certains artistes est une composante humaine inévitable et Trump est déjà bien assez médiatisé pour qu’on ne lui offre pas en plus une position artistique!

Une émission culturelle sur une chaîne publique française…j’aurais dû m’attendre à cet objet racoleur. Quelle idéaliste je suis. La sacro-sainte audience en est sûrement une des causes, ne désespérons pas, peut-être verrons-nous de plus pertinentes transmissions. Mais j’en doute.

 Furieuse CultURIEUSE, 2016.

Et vive la télévision suisse Romande et sa « Puce à l’oreille » où Trois invités vont chacun voir un spectacle, une expo, un concert, une performance, puis partagent leurs impressions autour d’une table de bar ou de restaurant. Iris Jimenez anime ce plateau nomade qui fait la part belle à la culture romande!  Les jeudis à 22h45

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Pour voir une émission de la puce à l’oreille, cliquer ici

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14 réflexions sur “Billet d’humeur § Stupéfiant!

  1. Ça vous étonne? L’art à la TV ou « la société du « spectacle » . Guy Debord ça vous dit quelquechose…parlons de ce qui nous uni au lieu de raconter ce qui nous désole en leur faisant encore plus de pub.

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  2. Comme ça me fait plaisir d’avoir dans mes amies quelqu’un qui voit comme il se doit ce qu’est Léa Salamé: une imposture du pur acabit de ce que devient France Inter. Je suis passée sur France Culture, en attendant la chute finale du service public de l’audiovisuel

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      1. je suis là-bas si j’y suis en ligne moi, maintenant. Il reste deux ou trois choses pas mal sur Inter,, un ou deux chroniqueurs que j’aime et la tête au carré, pas mal, mais en fait je n’écoute plus grand chose ( sauf FCulture, mais pas beaucoup ) , je lis

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  3. Manier la culture n’est pas à la portée du tout venant et encore moins quand on est détenteur d’une carte de presse qui donne accès au tout gratuit. Léa Salamé m’insupporte… Donc cela ne me surprend que peu. De plus en règle général je me méfie des émissions télé qui traitent sur l’art. La seule émission que j’apprécie un peu est celle de Frédéric Taddei qui instruit les gens sur l’histoire de certaines oeuvres. Au moins on découvre quelque chose… Delon et Trump dans le même programme… Le ton « à droite toute » est donné! Je devrais dire l’odeur… Qui est malheureusement assez nauséabonde à mon avis.

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  4. J’étais en effet  » curieuse  » de découvrir cette nouvelle émission… mais j’attendais que chaque séquence, maladroite, se termine.
    Cette femme est agressive, intrusive, faussement amicale envers Alain Delon qui fait son numéro habituel … et quant au reste …
    Qui la protège ?
    Claire Chazal n’est pas davantage intéressante sur une autre chaîne – mais … j’aime bien les émissions du soir sur France Culture.
    La nuit, quand je me réveille, j’entends des merveilles, puis je me rendors – mais la nuit dernière, j’ai suivi une sorte de feuilleton – les 3 derniers épisodes – consacrés à Judy Garland.
    Le hasard des retransmissions a donné ensuite la parole à Charlotte Rampling.
    On peut entendre en podcast sur France-Culture.

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    1. Oui je l’ai écrit « à chaud », ce n’est pas ma nature habituelle, la colère!
      Bien aise que tu rejoignes mon opinion d’écorchée. ;-€ Pourtant, comme le dit un commentaire, j’aurais dû prévoir ce naufrage.

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  5. Je n’ai pas vu l’émission car je ne regarde plus la télé depuis un certain temps. Mais j’en ai entendu parlé merci pour votre compte rendu. je vais rester sans la télé encore un petit moment ^^

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