Billet d’humeur § Langage ( et blablabla…)

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Voilà un livre (critique Télérama ) qui met la langue au premier plan et la fait claquer! Linguistique, sémiologie, rhétorique. Pour un roman policier, ce n’est pas banal. Bien joué : le public des lecteurs de polars est le plus hétérogène, il  touche tous les âges et provient de toutes les conditions. Aïe, mais certain vocabulaire peut rebuter…sauf si on se laisse porter par une trame abondamment pourvue de suspens et de rebondissements. Bon, ce roman contient quelques passages qui peuvent être jugés « intellos », je l’ai pensé moi-même. Mais qu’est-ce que ça veut dire au juste? Qu’est-ce qu’on juge comme étant trop intellectuel? Des termes, uniquement des mots. Et chaque mot peut être définit.

À force de répétitions et à l’aide d’une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible de prouver qu’un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont«cercle» et «carré» ? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu’à rendre méconnaissables les idées qu’ils véhiculent.
JOSEPH GOEBBELS (Ministre nazi de l’Information et de la Propagande) !!!

« La septième fonction du langage », de façon drôle et réjouissante, parle d’un pouvoir. Celui des mots. Une arme de persuasion puissante et gratuite.  Choisir les mots que l’on va utiliser, en exclure d’autres à trop forte connotation négative. Opter pour l’imprécision, les généralités, la langue de bois. Adopter des formes subtiles d’exclusion, de discrimination. Utiliser un jargon spécifique. Sans oublier le ton que l’on applique à la sentence.

En réalité, ce sont six fonctions du langage qui ont été déterminées par Roman Jakobson (1896-1982), éminent linguiste russe. La septième, évoquée dans ce roman (attention spoiler!), serait l’arme suprême : la baguette magique qui permet de convaincre à tous les coups!

Bien sûr, c’est une image romanesque…L’est-elle tant que ça, au fait? Le langage est pourtant véritablement une arme, encore faut-il savoir s’en servir. Nul besoin d’être linguiste pour affirmer un avis. Mais pour argumenter, pour justifier, défendre, prouver? la publicité et la politique en font leurs choux gras…

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Autrices françaises

Venons-en au fait qui m’a incité à réfléchir sur ce sujet. Un article (ci-dessous, cliquer sur le lien sous les abdos!). Lu par le biais de Facebook. Joliment illustré de costauds antiques.

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http://www.page-seauton.com/auteur-auteure-ou-autrice/

J’ai partagé cet article sur mon mur FB avec le commentaire de ma décision d’utiliser dorénavant le terme d’autrice. Ce terme, auparavant courant, a été « chassé de l’Académie française au 17e siècle, par des hommes qui se réservaient la noblesse de certaines fonctions. Les femmes pouvaient être des boulangères mais plus des professeuses ou des autrices ». Ce mot qui dérange est défendu par des grammairiens, mais refusé par l’Académie Française. Alors une femme aurait le droit d’être actrice (interprète), mais pas autrice (créatrice) d’une parole qui est sienne?

« Mais quelle atrocité! » s’exclame une lectrice. Heu, oui, pas très heureux pour une oreille non exercée, je le concède.

Et dire de Meryl Streep qu’elle est une acteure de premier plan, ça choque votre oreille?

langageC’est alors qu’intervient un commentateur qui estime qu’il y a des combats plus urgents et que tout ça c’est des conneries. Effectivement, notre monde ne manque pas de luttes à mener. Celle pour la liberté d’expression par exemple.

Mais l’idéologie et la sémantique peuvent-elles se placer sur différents plans comme le soutient cet interlocuteur? La sémantique est la branche linguistique qui étudie le signifié, soit le sujet dont on parle, le fond du discours ( sa forme relevant plutôt de la syntaxe). Le sens, l’idéologie (croyance, idées…) du mot autrice me semble donc complétement en phase avec sa sémantique. Mais passons.

Je rigole et rétorque que la sémantique a bon dos face au pouvoir des mots. « Ne fais pas l’andouille s’il te plaît! ». Bon. Clôture du débat. Je n’ai pas répondu à ce commentaire gracieux, que j’ai trouvé teinté du parent normatif de l’analyse transactionnelle ou d’autorité paternaliste un rien méprisante. En rhétorique, il relève de l’argument ad personam , attaque personnelle sans rapport avec le fond du débat.

Houlala, mais elle en étale à tour de bras! où va-t-elle chercher toute cette science? me direz-vous…

Connaissez-vous le petit cours d’autodéfense intellectuelle de Norman Baillargeon? Découvert il y a déjà quelques temps, je me suis replongée dans ce qui m’apparait comme une excellente clé linguistique pour décrypter le monde de la communication par la pensée critique. Vous pouvez le télécharger ici ou l’acheter illustré par Charb.

71QcVhHpMxLC’est alors que la commentatrice précédente réapparait pour dire son dégoût devant le fait de vouloir « tout féminiser ». Ok. Ceci est un sophisme de division. Attribuer au tout, ce qui est vrai d’une seule partie. Ah c’est beau la linguistique!

Mais notre premier commentateur revient, sans doute un repentir sur la brièveté de sa précédente remarque, et remercie de son soutien la personne féminine qui a abondé dans son sens. Ben oui, sinon qui aurait « broyédumachismequisenichepartoutc’estbienconnu »? C’est l’impossible féministe extrémiste qui se trouve être l’autrice de ces lignes! Merci de prendre soin de mon bien-être, hélas, des anti-féministes féminines, il en existe et pas qu’un peu. Ceci dit, si attirer l’attention sur un terme rejeté du temps de Richelieu et qui pourrait trouver du sens aujourd’hui, est bien un acte à connotation féministe, cela ne signifie pas que ceux qui pensent autrement soient forcément des machistes. Une généralisation hâtive en rhétorique…

A part ça, je me dois de remercier ce commentateur et cette commentatrice. Facebook est parfois bien ennuyeux, leurs interventions ont épicé une actualité déprimante… Ils (le masculin prime, hein…) m’ont permis d’élaborer une réflexion qui me fut constructive, incitée aussi par le livre ingénieux, jouissif et éclairant de Laurent Binet (conseillé par Cécile, merciii) « La septième fonction du langage », ainsi que par le « Petit cours d’autodéfense » dont je conseille chaudement au minimum les vingt premières pages. Juste pour avoir une idée sur le repérage des sophismes (raisonnements qui ne tiennent pas la route). C’est captivant!

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Quelqu’un qui va bien rigoler, si elle/ il/ iel lit ça, c’est l’auteurice (Yes! celui-là je l’invente pour toi!) du blog Double Genre. Allez donc y faire un tour, ouvrez votre esprit et vous verrez que, oui, il y a bien des combats, petits et grands, à mener sur les différents genres.

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15 réflexions sur “Billet d’humeur § Langage ( et blablabla…)

  1. Bonjour cultURIEUSE,
    l’auteurice, salue l’autrice et la remercie pour la citation de son blog Double Genre. Pour nous deux, il n’y pas de petits combats, car à la vérité, le monstre de l’ignorance ne sera pas abattu d’un seul coup du gigantesque marteau d’un dieu tel que Thor, mais d’une infinité de petits coups d’aiguilles. Ainsi a été aussi été vaincu Gulliver : par des milliers de petites mains laborieuses.
    Chaleureusement, Lio.

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  2. Autrice, un mot qui me plait bien plus que Auteure que je trouve ridicule. Je prépare une page sur un autre blog, pour la journée de la femme, ou je me moque de la féminisation de certains mots qui « sonnent » mal. Je vais me faire taper dessus c’est certain. 😉

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  3. (suite) bienveillants sur les mots féminins m’indiffèrent totalement.
    Juste que autrice et écrivaine murmurent douloureusement à mes oreilles quelques autres mots très dépréciateurs.
    Mais le Binet par contre, yabon ! 😀

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    1. Dans le titre de l’article, il y a aussi bla bla bla! Je vous conseille de jeter un coup d’oeil sur le  » petit cours d’autodéfense intellectuelle », à moins que vous vous y connaissiez. Merci pour le commentaire 😊

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