Après l’exposition sur l’odorat en 2015, « Belle Haleine », le Musée Tinguely de Bâle poursuit son exploration des sens dans l’art avec « Prière de toucher » jusqu’au 16 mai 2016.
La main crée, fabrique, construit, sculpte, peint… c’est pourtant principalement par le regard que l’on appréhende une oeuvre d’art. Alors le regard se fait tactile…la sensation que nous évoque l’oeuvre devient vivante.
Le sens du toucher s’étend à notre corps tout entier, la peau étant notre plus grand organe. L’exposition s’attache à restituer, faire expérimenter, évoquer ce sens primitif et complexe à la fois à l’aide de 220 oeuvres de 70 artistes. Mon ressenti à travers quelques oeuvres :
Caressant : La salle consacrée à l’artiste Jérôme Zonder (1974), dont il a constellé les murs d’un dégradé d’empreintes digitales, présente des dessins de mains qui se touchent ainsi que le morcellement du corps d’une jeune fille. Des dessins délicats à la mine de plomb et au fusain. La main qui dessine rejoint la main qui touche.
Erotique : la vidéo intitulée Pickelporno, de Pipilotti Rist (1962), artiste suisse, qui suggère les sensations sexuelles occasionnées habituellement dans l’intimité par l’acte d’amour. Lente ou rapide, intrusive ou effleurante, la caméra inclut aussi des images végétales et minérales, des sons naturels, des voix et de la musique rythmée. On peut la voir en cliquant ici .Celle de Yoko Ono, avec une mouche se baladant sur un corps nu n’était pas mal non plus parait-il, mais je l’ai manquée. Pas mon compagnon!
Agressif : avec l’oeuvre anonyme du XVIIe siècle d’après Le Caravage, qui montre trois apôtres touchant les plaies du Christ et qui fait écho à « celle de Michael Landy (1963), « Doubting Thomas » (2013), une sculpture mécanique actionnant une main, doigt pointé, vers un torse dénudé.
Allusif : la boîte à outil de Pedro Reyes (1972), « Cuerpomàtico » (2015) qui présente une série d’objets qui évoquent automatiquement des sensations tactiles vécues par tout un chacun.

Maculé : avec une « Anthropométrie » d’Yves Klein de 1960 où les corps peints s’impriment sur la toile et forment une mystérieuse chorégraphie. L’imagination s’enclenche immédiatement sur l’impression de peinture et de pression du corps sur la toile. Corps tactile.
Piquant : la sculpture de Tania Brugera (1968) qu’elle utilise en 1998 lors de l’anniversaire de Fidel Castro dans les rues de La Havane pour rappeler au gouvernement ses promesses sociales.

Perturbant : la performance de Jeroen Eisinga, artiste hollandais (1966), où on le voit recouvert d’abeilles.
Militant : certaines performances relatives au corps et au féminisme des années soixante et septante. Une quarantaine de films leur sont consacrés, parmi eux les artistes performeuses féministes comme les gifles de Marina Abramovic & Ulay ou le « Touch Cinema » de Valie Export. Autant dire que je ne les ai pas tous vus!

Curieux : mais enthousiasmant pour moi, la présentation de douze oeuvres de Marcel Duchamp (jamais je ne pourrai assouvir ma curiosité pour son travail…), dont celle qui a donné son titre à l’exposition (en-tête de cet article), à l’origine couverture du catalogue de l’exposition « Le surréalisme en 1947 ».

Et « Why not sneeze Rose Sélavy? » : Ces morceaux de sucre sont en réalité des cubes de marbre. L’impression de poids si l’on soulève la cage en est faussée. Léger ou lourd? La cage évoque l’enfermement et par contraste l’envol, la légèreté, la liberté. Le thermomètre est à mercure… Mercure, le dieu ailé. L’os de seiche affûte le bec des oiseaux. Ou l’esprit? il pourrait aussi figurer aussi la mort.Une hypothèse d’explication sur le blog « Au livre bleu ». Ah, cher Marcel, tes énigmes insolubles me transportent!
Douillet : Ernesto Neto (1964) dépose ses « Humanoïdes » au coin d’un mur et donne l’envie de toucher cette matière qui parait douce et élastique comme le doudou de notre petite enfance (on peut!).
Lisse et rugueux : c’est Giuseppe Penone (1947) qui suggère cette progression avec des plaques de bronze plus ou moins travaillées et polies qui rappellent le cuir, l’écorce, la peau.
Touchant : la vidéo sur des aveugles engagés à peindre une grande surface à même le sol (Arthur Zmijewski), ainsi que celle de ces non-voyants qui explorent respectueusement la peau d’un éléphant vivant (Javier Téllez).Inédit : la possibilité d’explorer avec les mains, les yeux bandés, des statues antiques du VIe siècle avant JC. Voir à ce sujet l’article du blog Point Culture qui dévoile la galerie tactile du Louvre.
Jubilatoire : la salle où Augustin Rebetez a mis en place un parcours labyrinthe vertical qui fourmille de découvertes.

Le toucher est une perception archaïque dont le ressenti est immédiat. Les enfants apprennent à l’intégrer, tandis que l’adulte la vit plus mentalement et émotionnellement. Dans les relations sociales, le toucher est un facteur d’importance.
Une expérience datant de 1977 (par un chercheur nommé Kleinke) a montré que le toucher prédisposait la personne touchée à accéder à une requête formulée par le « toucheur »( cf. toucher et soumission). Enseignants, soignants, vendeurs savent consciemment ou pas qu’un bref contact tactile a un effet positif sur l’acceptation de requêtes et la confiance accordée au « toucheur ». Attention donc à la manipulation!

Super – tu nous touches avec ce toucher ! Du « Pickelporno » on trouve pas mal d’extraits sur le net ! (et je ne connaissais pas le Duchamp – drôle !) Un grand Merci !
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Je n’avais pas vu le lien (…..). T’es formidâble !
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A reblogué ceci sur VITRINART.et a ajouté:
PRIÈRE DE TOUCHER § TOUCHER SOCIAL
25 février 2016 · par CultURIEUSE ·
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Voui tu es fôôrmidable !
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Touché coulé ! Je suis emballée par la thématique. J’espère qu’ils feront les 5 sens 🙂
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