Portfolio de Lionel Sabatté.
Lionel Sabatté, pasticien, est diplômé de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il est toulousain de naissance et réunionnais d’enfance. Il vit et travaille aujourd’hui à Paris. Son grand-père, taxidermiste, lui aurait-il donné le goût de la re-création?
Sa première exposition a lieu en 2003 à la Galerie Anton Weller, Paris. Une série de dix mille petites peintures libres représentant des personnages. Le dessin accompagne toutes ses créations.

Peaux de pied et rognures d’ongles composent cette délicate petite chouette! Lionel Sabatté s’emploie à récupérer les déchets humains, que nous considérons comme répugnants, pour en faire des oeuvres d’art.
Les moutons de poussière, récoltés dans le métro parisien, il les métamorphose en loups. Une poussière universelle constituée par des milliers d’êtres humains de passage. Des miettes d’humanité.

L’ambivalence de ces résidus, assimilés à la saleté, Lionel Sabatté en joue en alliant l’aspect de douceur et la répulsion première qu’ils nous inspirent. Sa meute de loups est « une collection d’ADN », dit-il, des milliers de personnes ayant passé à la station Châtelet-Les Halles (700000 personnes par jour).
« La poussière c’est un élément qui est déjà du dessin, c’est-à-dire que c’est à la fois une valeur, la partie compacte du mouton de poussière et c’est une ligne, les cheveux qui ont permis d’agglomérer le mouton de poussière. En fait, c’est vraiment un ensemble de lignes et de valeurs et c’est vraiment du dessin, le réel qui dessine en fait. » Lionel Sabatté
L’artiste récolte aussi les pièces d’un centime d’euro, poussières de l’économie et témoignage de civilisation. Encore une trace de l’humanité. Il en habille des créatures qui semblent sorties de profondeurs antédiluviennes.

Ses peintures, créatures hybrides jaillissant des Abysses, tout comme ses sculptures, sont empreintes de délicatesse autant que de « monstruosité merveilleuse » (dixit l’artiste). L’étrangeté et l’instabilité du vivant y est tangible.


Lionel Sabatté redonne allure, répare. Les papillons abimés, reconfigurés avec des peaux mortes et des rognures d’ongles, sont magnifiés d’un nouveau corps elfique. Une procédure de réhabilitation et de réparation. De résurrection symbolique? De profond respect en tout cas.

Autant dans les matières utilisées (l’oxydation, les déchets humains, les épices, le thé…) que dans les sujets abordés, la présence dans l’oeuvre d’un lien omniprésent avec le vivant tend à rendre un hommage à la vie et au temps. La symbolique des matériaux qu’il utilise raconte déjà une histoire. Il la prolonge à sa manière.


J’aime cette idée d’utiliser le terme échafaudage, aussi matériel que spirituel, aussi physique que mental. Ce bestiaire légendaire, paléontologique, cette reconstruction d’un monde animal interpelle quiconque se préoccupe d’écologie et de futur. Le mélange de forme animale réparée par des particules humaines me touche particulièrement.
Entretien avec Lionel Sabatté datant de décembre 2015.
Pour voir son travail : galerie Eva Hober, 37 rue Chapon, Paris, dès le samedi 30 janvier et au Musée de Vernon, près de Giverny, jusqu’au 14 février 2016. Et en Suisse en 2017 à la galerie C de Neuchâtel. Site: http://lionelsabatte.org
Les rognures d’ongles sont un sujet de dégoût alors que l’ongle vernis (voir le succès des ongleries) est attractif et désirable. Caresser la peau est un plaisir, mais détachée du corps sous forme de peau morte, elle devient répulsive. Le travail de Lionel Sabatté nous interroge : Qu’est-ce qui provoque la réaction de dégoût?

Des odeurs, des aliments, des images ou des situations, des personnes même peuvent inspirer le dégoût, ce sentiment de rejet instinctif ou culturel. S’éloigner de cette source de répulsion est une attitude spontanée, mais n’existe-t-il pas une certaine fascination pour la chose dégoûtante? C’est, en tous les cas, une émotion violente qui suscite de fortes réactions physiques. La peur de la contamination ou de l’empoisonnement en serait l’origine. Le dégoût renvoie aussi au passage de la vie à la mort et à la décomposition qui s’ensuit. Il est si complexe que l’on ne peut le simplifier en le définissant comme le contraire du goût. Il peut même être éthique ou moral.
Pour ceux qui s’y intéressent, voir ici un article sur le dégoût de Michel Delville et Viktoria von Hoffmann (Novembre 2013): Le dégoût, une émotion plurielle
Que vous évoquent ces deux volatiles?
ah j’aime beaucoup !
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commentaire sommaire, je te le concède, mais je ne trouve pas plus ce matin…et ça dit…ce que j’ai à dire 😀
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Mais ça me convient très bien!
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😀
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Très intéressant, et une étrange fascination de la part de l’artiste, surtout les rognures d’ongles. Cela ne va pas laisser mes élèves indifférents, merci pour le partage.
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Par ailleurs un homme qui semble très sympathique!
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Singulier fantastique!
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J’adore la poésie et mise en abîme d’un titre comme « échafaudages d’une caresse »
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Oui, ça ouvre bien des perspectives!
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… et merci pour le lien Delville/Hoffmann en effet très riche !
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Le web est une source magique.
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Des formes squelettiques qui mettent en scène l’essentiel, j’adore ! Même si certaines ont des silhouettes assez morbides. Mais c’est ça aussi la vie… Merci pour la découverte, comme d’habitude, un plaisir 🙂
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Merci pour l’artiste, Elisa! Comme une sorte d’alliage entre deux états, deux phases, deux incarnations. Oui, c’est un travail d’une belle cohérence.
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