Ainsi donc j’ai assisté à l’ignominie. Pire, j’y ai pris du plaisir et l’ai trouvée pertinente.
Je n’ai eu aucun frémissement d’horreur lorsque le taureau est apparu, pourtant enfermé dans une boîte de plexiglas, certainement entravé et muni d’un anneau enchâssé dans les naseaux. Ce n’est que plus tard, les représentations achevées, que les échos de Facebook ont réveillé ma conscience assoupie. Non pas celle qui aurait dû plaindre ce pauvre taureau, plutôt la conscience de la réalité d’une époque absurde et déraisonnable.
Romeo Castellucci a mis en scène l’opéra de Schoenberg « Moïse et Aaron « . Tout naturellement son théâtre convie l’animal au spectacle. Non comme l’inférieur de l’homme, mais comme être vivant différent, comme fragment d’une partie vivante de notre monde. Sans dressage, sans jeu théâtral, juste une forte présence, un rappel de notre profonde animalité. Dans ce spectacle, cela dure en tout une dizaine de minutes.
Les commentaires outrés se sont mis à pleuvoir. Visiblement, voir un animal, qui plus est, enfermé et entravé, sur une scène de théâtre était plus que n’en pouvait supporter la foule horrifiée. Voir. Il est vrai que ceux qui sont prédécoupés et cuits dans l’assiette nous ont évité l’étalage de leur souffrance. Ils ont eu la bienséance de vivre leur misérable vie en élevage intensif loin de notre regard.
Ce taureau flegmatique d’une tonne et demie est donc l’occasion de hurler sa révolte contre l’utilisation humaine des espèces animales. Visiblement celui-ci, dans sa vie quotidienne, devait l’être pour ses qualités spermatiques. Finira-t-il en steack? Peut-être, mais il n’aura certainement pas la cruelle et courte vie des veaux abattus à moins de huit mois et n’ayant jamais vu, pour certains, la lumière du jour.
Les traitements atroces infligés aux animaux pour notre agrément sont choses connues. L’élevage et l’abattage n’en sont qu’une facette. Comment oublier les différents parcs aquatiques où les orques et les dauphins sont condamnés à tourner en rond, les zoos reléguant les vastes territoires à des surfaces dérisoires, les spectacles de cirque dans lesquels des animaux sauvages sont dressés, souvent par la force, à adopter des postures contre-nature et nos oeufs, provenant de poules agglutinées dans des entrepôts puants?
Les différents animaux utilisés dans les feuilletons de notre enfance (Flipper, Skippy, Flicka, Saturnin…), traités de diverses et souvent cruelles manières, ne nous ont-ils pas donné malgré tout une image respectable de la gent animale? Ne nous ont-ils pas, hier, insufflé une empathie à leur égard?
Où donc est passé le bon sens?
Ce majestueux taureau, que le metteur en scène à préféré au veau d’or de l’histoire de Moïse, est la parfaite illustration contemporaine d’un capitalisme fécond, débonnaire, imperturbable et doté d’une puissance destructrice intrinsèque fabuleuse. Notre veau d’or contemporain, l’idole que l’on vénère à travers notre consommation effrénée.
Le combat pour le respect de l’animal est noble. Il est indispensable et fondamental. La réflexion devrait en être le moteur et non l’émotion irraisonnée.
Le dossier du journal libération : Dans la tête de Romeo Castellucci
A noter que le taureau a été imprégné durant plusieurs semaines de la musique de Schoenberg! J’avoue que la musique dodécaphonique n’est pas ce que j’apprécie d’écouter habituellement…
très d’accord avec « La réflexion devrait en être le moteur et non l’émotion irraisonnée. »
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Le taureau a eu bien des mérites d’écouter ce Schoenberg – belle réflexion !
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Jamais je n’aurais pu écouter ça sans le support magnifique de ce qu’à raconté Castellucci avec sa mise en scène. Regarde la video sans le son si tu préfères, ça en vaut la peine.
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déjà fait (avant ton conseil) – les images sont/étaient magnifiques…
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