Siri Hustvedt, écrivaine américaine, est née d’un père américain d’origine norvégienne et d’une mère norvégienne. Dans ses poèmes, essais et romans, elle mêle littérature, philosophie, neurosciences et psychologie.
« Un monde flamboyant » (2015, traduction Christine Le Boeuf) est essentiellement l’histoire d’une plasticienne, Harriet Burden. Elle vit avec son mari, galeriste réputé, et leur deux enfants. Après une tentative d’exposition de ses oeuvres, elle est plutôt considérée avec condescendance et mépris par le monde artistique new yorkais. Après le décès de son mari, à la cinquantaine, elle décide d’utiliser un (puis deux autres) prête-nom masculin. Ce seront ses masques et ils présenteront son travail en leur nom. C’est pour elle une expérience de perception.
Il y a une vingtaine d’intervenants différents pour raconter, selon leur avis personnel, l’histoire de Harriet. Elle-même a la parole par le biais de ses carnets intimes, dévoilés après son décès. L’histoire se développe donc selon de multiples points de vues qui ne concordent pas toujours. Elle est racontée par I.V.Hess, un ou une biographe.
Ce roman, qui se déroule dans le monde de l’art, laisse imaginer les oeuvres qui y sont décrites au lecteur. Un choix éclairé de Siri Hustvedt. En effet, en lisant ce livre, nous nous immisçons non seulement dans l’âme de l’artiste décrite (Harriet), mais aussi dans l’oeuvre plastique imaginaire créée par l’auteure (Siri). Une mise en abîme qui ne s’arrête pas là puisque les trois « Masques » utilisés ont aussi leur propre vision des choses. L’identité est un des grands thèmes de ce livre.
La grande question du genre et de la reconnaissance artistique est ici posée de façon approfondie. Cependant, le personnage d’Harriet/Harry est rendu si vivant, émouvant, puissant dans ses faiblesses et ses forces, que l’intellectualité du thème en devient comme sous-jacente et garde sa place sans entraver la trame sensible de l’histoire.
Un entretien avec Siri Hustvedt sous-titré français (Mediapart) : Cliquez ici
Margaret Cavendish (1623-1673), duchesse de Newcastle, écrivaine, philosophe et scientifique n’a pas reçu la reconnaissance méritée de la société du XVIIe siècle. Passant tour à tour pour folle ou géniale, elle est l’alter ego de Harriet. Le titre du roman de Siri Hustvedt est tiré de The Description of a New World, Called The Blazing-World, oeuvre de Margaret Cavendish. Titre donné également à la dernière oeuvre de Harriet Burden.
Extrait (p.239): « Il y a du travesti partout chez Cavendish. Comment, sinon, une Lady pourrait-elle galoper dans le monde? Comment, sinon, pourrait-elle se faire entendre? Elle doit devenir un homme sans quoi elle doit quitter ce monde, ou bien quitter son corps, ce corps mal-né, et flamber. La duchesse est une rêveuse. Ses personnages brandissent comme des bannières leurs propos contradictoires. Elle ne peut pas trancher. La polyphonie est la seule voie vers la compréhension. Une polyphonie hermaphrodite. »

Une enquête (Susan A. Gelman, Marianne G. Taylor, Simone Nguyen) publiée par la revue « Enfance » examine les « messages implicites ou explicites dans les conversations sur le genre entre mère et enfant ». Ce document explore les concepts essentialistes qui sont liés au fait d’être garçon ou fille (genre). L’essentialisme est la croyance en une nature déterminée par l’essence (physiologie, mais aussi aptitudes, goûts personnels…). Il est solidement enraciné dans la pensée humaine et participe à la solidification des stéréotypes.
L’essentialisme de genre est perclus de croyances, dont celle que les différences sont d’origines biologiques et non sociales, qu’elles ne sont pas modifiables, qu’elles sont exclusives et ne peuvent être partagées, etc.
Pour lire l’enquête : Cliquez ici
Sociétale ou biologique, la question du genre mérite réflexion (Platon, Rousseau…), celle des parents et des éducateurs en premier lieu. Irons-nous, comme cela a pu se produire en Suède, jusqu’à instaurer un genre neutre dans la petite enfance pour éviter la contamination sexuée aux jeunes âmes?
J’ai failli l’acheter en pensant à toi ( je sais que tu aimes cette auteure ) mais je vais attendre un peu ( peut-être en Poche, parce …c’est un gros livre cher ! 🙂 )Bel article. Tu m’as donné envie , encore plus, de le lire, j’aime beaucoup les romans à multiples points de vue, et multiples voix(es)
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Moi aussi j’attends souvent la sortie en poche, mais là, je ne tenais plus!!!
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Je viens de lire « Un été sans les hommes », article d’ici quelques jours
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Je n’ai pas encore eu le courage de m’y plonger, pour tout dire. Le sujet ne m’intéresse pas tant que ça en fait. Mais si j’ai l’occasion, pourquoi pas.
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Je pense que, oui, il faut s’intéresser au sujet. Mais au-delà, son style est superbe et l’analyse du personnage est captivante.
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J’aime beaucoup l’univers de Siri Hudsvet. C’est une amie qui me l’a fait découvrir il y a quelques années et j’ai lu « Tout ce que j’aimais » et « l’envoûtement de Lili Dahl ». J’ai hâte de pouvoir lire « Un monde flamboyant ». Le sujet me touche beaucoup. Merci pour cet article. 🙂
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Oui, elle est brillante. Quelquefois difficile à suivre, très intello. Mais comme le font les enfants, on prend ce qui nous parle! Son essai « les mystères du rectangle », sur la peinture pourrait t’intéresser.
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