« on m’a souvent cru prisonnier d’une idée, au lieu de percevoir cette libération totale que je vis de la recherche constante de l’illusoire nouveauté aussi bien que du toujours mieux. Moi, je préfère approfondir une seule chose, une oeuvre. » R.O. http://www.opalka1965.com
Roman Opalka est un peintre franco-polonais. Il est né en France et ses parents retournent en Pologne lorsqu’il a quatre ans. En 1940, la famille est déportée en Allemagne, elle sera libérée en 1945 par les troupes américaines. Après une école d’art plastique et les Beaux-arts à Varsovie jusqu’en 1956, il y devient professeur d’art.
De 1959 à 1963, il développe une oeuvre constituée de monochromes blancs qu’il nomme Chronomes, constitués de traits, de zig-zag ou de points, blancs sur fond noir ou l’inverse, ils sont déjà des ponctuations précises du temps.
C’est en 1965 que débute son programme, l’oeuvre qu’il poursuivra jusqu’à sa mort en 2011. C’est l’écoulement inexorable du temps qui l’intéresse: Opalka 1965/1 à l’infini. La première toile lui prend sept mois. Un fond gris foncé, presque noir, sur lequel il trace en blanc, dans le sens de l’écriture, les chiffres 1, puis 2, puis 3, etc. Ce premier Détail, aboutit, en bas à droite au nombre 35327 . Il recommence alors sa démarche sur une nouvelle toile de même format (195 x 135 cm). Lors de déplacements, il continue sur papier à lettre avec de l’encre noire ce qu’il appelle ses Cartes de Voyage..

Roman Opalka se photographie chaque soir devant son travail, qu’il nomme extrême détail. Même vêtement, même éclairage. Il ajoute donc les changements de son apparence physique à la fuite du temps qu’il cherche à exprimer dans ses toiles.Chaque autoportrait correspond au moment où il s’est arrêté de peindre après une séance de travail.
Lorsqu’il atteint le nombre 300000, il décide d’enregistrer sa voix énonçant en polonais les nombres qu’il trace.
En 1972, atteignant le million, il ajoute 1 % de blanc à ses fonds pour que les nombres se confondent petit à petit avec la toile. Approchant du terme de sa vie, les chiffres peints se dissolvent et se rapprochent de l’invisibilité. C’est en 2008 qu’il peint blanc sur blanc, après 43 ans de travail et d’éclaircissement progressif. Cependant, ayant utilisé du blanc de titane et du blanc de zinc dès le départ, les chiffres restent lisibles. Par ailleurs, il définit strictement l’éclairage et l’espacement des Détails lors de leur éventuelle exposition.
« Ma position fondamentale, programme de toute ma vie, se traduit dans un processus de travail enregistrant une progression qui est à la fois un document sur le temps et sa définition ». R.O.
La dernière touche de son oeuvre est le nombre 5607249, inscrit sur sa 231ème et dernière toile.
A lire, les Paroles d’Opalka. L’oeuvre et le personnage de Roman Opalka ont fait l’objet de nombreux livres ( bibliographie).
« Cette idée de tableaux-comptés :
image de la durée d’une existence
ne pouvait être fondée
que si elle était prise pour le reste de ma vie. » R.O.
Compter, synonymes : attendre, calculer, comprendre, chiffrer, considérer, contenir, dénombrer, chiffrer, énumérer, envisager, espérer, énumérer, exister, importer, inclure, mesurer, projeter, recenser, se proposer, se recommander, songer, tabler.
Ce verbe, qui n’a l’air de rien, est donc particulièrement signifiant dans une existence! Espérer, espérer vivre…
L’espérance de vie en bonne santé en France au XVIIIe siècle était de 24 ans pour les hommes et 26 ans pour les femmes. En 2013, elle serait passée à 85 ans pour les femmes et 78,7 ans pour les hommes en 2013 (globalement bien sûr : les statistiques…). Des progrès dans les domaines sanitaires, sociaux et sécuritaires sont les raisons de cette hausse. La prévention des risques de santé y contribue grandement avec l’essor des médias. L’espérance de vie des femmes est partout supérieure à celle des hommes, ce qui suscite des questionnements chez les scientifiques. Elle varie aussi selon le niveau socio-économique : les cadres peuvent espérer de plus longues vies que les ouvriers… évolution en 2014
encore une fois : un grand merci pour tes trouvailles….
J’aimeAimé par 1 personne
Fascinant 🙂 !
J’aimeJ’aime
Oui, son oeuvre est une espèce de sacerdoce passionné, une mission autant qu’une étude du temps qui passe, je trouve.
J’aimeJ’aime
… intéressante cette suite de nombres blancs ! 🙂
J’aimeJ’aime
Et pourtant les nombres et moi, on n’est pas copains d’habitude!
J’aimeAimé par 1 personne
… il faut se faire de nouveaux amis !! 🙂
Lorsque j’ai découvert le travail de Roman Opalka il y a quelques années , je ne comprenais pas bien où il voulait en venir avec ses chiffres qui se suivent … ??? Je pensais que sa démarche était un peu obsessionnelle … !! Mais bon , je n’en sais rien … 🙂
J’aimeJ’aime
Roman Opalka se situait en-dehors du Temps. Il cherchait à l’apprivoiser. Il se prenait en photo comme une personne extérieure, puisque l’art c’est aussi ça, un dédoublement.
La question que l’on peut se poser : est-ce que le Temps existe?
J’aimeJ’aime
Bonne question, nous avons tous fait l’expérience de son élasticité!
J’aimeJ’aime
A reblogué ceci sur L' Atelier de Biarritzet a ajouté:
Je ne connaissais pas cet artiste! merci de nous l’avoir fait découvrir!
J’aimeAimé par 1 personne
J’avoue qu’on touche pour moi aux limites de l’expression artistique. Le simple fait de voir énoncer une évidence (je ne veux pas parler de poncif ou de cliché) par une personne ayant revêtu le statut d’artiste (je ne me prononce aucunement sur la réalité de ce statut) apporte-t-il à cet élément de discours une essence qui soit hors du commun… Je reconnais cependant que la « radicalité » de la décision prise au départ confère un intérêt certain à son travail (ou à sa vie?). À rapprocher, peut-être, de la tentative de Christian Boltanski enregistrant les battements de son coeur et ambitionnant ainsi de faire oeuvre de sa simple existence. Mais je songe aussi à un spectacle ironique et polémique de Jacques Mougenot, intitulé « L’affaire Dussaert » qui joue très finement avec les limites de l’effacement de soi-même conçu comme une oeuvre. Et, pour finir, merci CultURIEUSE de ces occasions d’échange!
J’aimeAimé par 1 personne
Personnellement je trouve cette démarche plutôt fascinante. Ce travail sur le temps qui nous est compté, cette forme de résistance artistique contre notre vulnérabilité humaine, me parait aussi cohérente que belle. Cet effort pour comprendre ou signifier la relativité du temps me touche énormément. Qu’en aurait pensé Einstein?
Au plaisir de vous relire!
J’aimeAimé par 1 personne
Quel dommage !!
[ La dernière touche de son œuvre est le nombre 5607249, inscrit sur sa 231ème et dernière toile. ]
Seulement 2 nombres de moins ou 4 nombres de plus et il terminait son œuvre en apothéose sur 5607247 ou 5607253, des nombres premiers !
Bien sur, cela n’enlève rien à cette œuvre absolument fascinante, une approche désespérément lilliputienne de l’infinité.
J’aimeAimé par 1 personne
Un mathématicien l’aurait vu, pas moi! Merci pour cette précision scientifique.
J’aimeJ’aime