Hans-Peter Feldmann (Allemagne) étudie la peinture à L’université des arts et design de Linz en Autriche. Il affirme ne pas être un artiste. Pour lui, l’art fait partie de la vie quotidienne de chacun et chacune. Lui collectionne, depuis l’âge de cinq ans, des photos de magazine, de cartes postales, de publicité et d’encyclopédies. Les découper fut tout d’abord pour lui une manière de s’occuper après le traumatisme des bombardements subis à Dusseldorf. Peut-être une alternative au chaos environnant. Il classe et trie les images récoltées par genre et les assemble en de modestes albums (Bilder). Genoux, mains, sourires, vêtements, aliments, etc.
Pour examiner ce qu’est une fraise, une seule est-elle suffisante? Feldmann, avec cette collection, démontre l’unicité de chacune d’elles et met en valeur leurs différences. Son travail semble de prime abord drôle et léger. Il donne cependant à penser lorsque l’on prend le temps de s’y arrêter. Il s’est approprié l‘imagerie populaire et nous interroge sur notre ressenti face à elle.
» (…)il n’y a pas de concepts dans mon travail. Je ressens uniquement le besoin de faire des choses. Je ne sais ni pourquoi, ni comment ces idées viennent à moi. Je suis incapable de parler de façon rationnelle de ce que je fais. »HPF
Présent dans le monde de l’art dès les années soixante, Hans-Peter Feldmann ne signe aucune de ses productions, ni ne les date. Cependant, il leur donne un titre. Vers 1980, il cesse de produire, écoeuré par le marché de l’art. Il réapparait en 1989, persuadé par un curateur d’exposition, tout en ouvrant avec sa femme un magasin (de jouets anciens?).
Documentaliste d’images banales, photographe d’objets usuels, installateur d’objets de la vie quotidienne, Hans-Peter Feldmann est, malgré ses dires, un artiste contemporain, mais qui refuse l’idée d’art conceptuel. Fasciné par la culture visuelle, il confronte le visiteur à des images qu’il ne connait que trop, mais décontextualisées, rassemblées, leur résonnance est toute autre.
En 2008, il expose à l’International Center of Photography (Manhattan) en remplissant une pièce des unes de journaux internationaux datant du 12 septembre 2001.
« Shadow plays », exposée pour la première fois en 2002, est composée de douze groupes de figurines (jouets anciens) disposés sur des socles tournants et une table de vingts mètres de longueur. Eclairées par devant, leurs ombres dansent sur le mur parallèle à la table. Les questions qui surgissent face à son oeuvre s’approchent de la philosophie. Cette installation me fait penser à l’allégorie de la caverne.(clicker ici)
En 2001, Hans-Peter Feldmann publie le livre « 100 ans » qui contient 101 photographies, prises par lui-même, de personnes proches de lui (famille, amis) à tous les âges. Un cliché par année de vie. La série débute avec un bébé de huit mois et se termine avec une personne âgée de cent ans. Il a mis trois ans à la finaliser. Chacun peu se situer face à cette série, se souvenir du passé, imaginer le futur. Les portraits sont frontaux et fixent le spectateur du regard.
C’est la Galerie Martine Aboucaya, Paris, qui diffuse l’oeuvre de Hans-Peter Feldmann.
« Les âges de la vie » est un thème de l’imagerie populaire.
Par « Imagerie populaire », on entend toutes les productions d’images destinées à être diffusées et vendues à un prix modique aux populations urbaines ou rurales, que ce soit à des fins éducatives, religieuses,divertissantes ou décoratives. D’abord produite par gravures sur bois, dès le VIIe siècle en Chine, elle prend son essor en occident dès l’invention de l’imprimerie au XVe siècle.
(lien de cette illustration sur le blog de l’histoire par l’image :clicker ici)
L’image, selon l’encyclopédie Larousse (clicker ici), nécessité absolue pour l’équilibre du psychisme humain, va naître sous une nouvelle forme, faite pour le pays et pour ceux qui l’habitent. La connaître serait connaître les rites inconscients et la magie gestuelle contenus dans la vie quotidienne. Une imagerie nouvelle commence à être comprise par l’étude de ses manifestations : le poster, affiche d’intérieur, les images de pin-up, collées dans les cantines de soldats, les cartes de vœux et les cartes postales, également collées sur les tiroirs des bureaux administratifs, les images filmiques, les mass media.
Comme toujours, cet article est passionnant et très documenté !
Chaque fois, c’est une belle découverte, un immense merci
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Merci à toi d’être si fidèle. En fait, je le fais d’abord pour moi, c’est une démarche très égoïste. 😉
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J’aime beaucoup ce que fait ce monsieur ! j’aime qu’il dise que son art n’est pas un concept ( ça change, tiens ! )et d’accord avec toi sur le versant philosophique et la caverne de Platon…
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Merci beaucoup pour cet article très enrichissant comme toujours ! Je découvre et j’aime beaucoup sa démarche. A Travers les variations sur un même thème, il interroge les mythes. C’est en cohérence avec ce passage de ton article. « Pour lui, l’art fait partie de la vie quotidienne de chacun et chacune ». Il ya quelque chose des ready made de Duchamp, de Boltanski et de Rauschenberg par certains aspects. Les fraises me font penser à un passage du petit Prince. Alors qu’il pense sa rose unique, Il découvre plein de roses toutes semblables à la sienne. Grâce au renard, il découvre par la suite que ce n’est qu’en apparence et que la sienne est unique par le lien qui les unit. L’apprivoisement. Merci encore à toi et pour le lien au sujet de son travail sur les sacs à main. Bon week-end ! 🙂
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Mais merci à toi pour cette belle réponse! Elle me fait très plaisir. Bon week-end!
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