« Je ne participe jamais à ce qui m’entoure, je ne suis nulle part à ma place. »Lovecraft
Né à la Réunion d’un père guide de haute montagne et d’une mère médecin, Michel Houellebecq n’a pas la chance d’intéresser ses parents. Il est placé à l’âge de 6 ans chez sa grand-mère dans l’Yonne. Il obtient son diplôme d’ingénieur agronome en 1980. Divorce et séjours en hôpital psychiatrique pour dépression. En 1985 sont publiés ses premiers poèmes. Il a été deux fois marié et a un fils. En 2010, il obtient le Prix Goncourt avec « La carte et le territoire »(Flammarion).
Passionnant de bout en bout, construit avec brio, ce livre raconte la trajectoire d’un plasticien, Jed Martin, sa recherche artistique, marquée par une solitude affirmée, le hasard de quelques rencontres et un père aussi intouchable qu’il l’est lui-même. L’autoportrait démultiplié d’un artiste-chercheur de notre époque constatant la disparition de l’authenticité face à la consommation effrénée et aux produits manufacturés. Avec un désespoir habillé d’ironie, Michel Houellebecq décrit notre univers et en donne une représentation qui, comme dans les oeuvres magistrales, est plus puissante que peut l’être la réalité : « La carte est plus intéressante que le territoire ». Sarcastique et mélancolique, profond et drôle. Pour en lire le début : clicker ici
EXTRAIT :
« Le front de Jeff Koons était légèrement luisant; Jed l’estompa à la brosse, se recula de trois pas. Il y avait décidément un problème avec Koons. Hirst était au fond facile à saisir : on pouvait le faire brutal, cynique, genre » je chie sur vous du haut de mon fric » ; on pouvait aussi le faire artiste révolté (mais quand même riche) poursuivant un travail angoissé sur la mort ; il y avait enfin dans son visage quelque chose de sanguin et de lourd, typiquement anglais, qui le rapprochait d’un fan de base d’Arsenal. En somme il y avait différents aspects, mais que l’on pouvait combiner dans le portrait cohérent, représentable, d’un artiste britannique typique de sa génération. Alors que Koons semblait porter en lui quelque chose de double, comme une contradiction insurmontable entre la rouerie ordinaire du technico-commercial et l’exaltation de l’ascète. Cela faisait déjà trois semaines que Jed retouchait l’expression de Koons se levant de son siège, les bras lancés en avant dans un élan d’enthousiasme comme s’il tentait de convaincre Hirst ; c’était aussi difficile que de peindre un pornographe mormon. «
Ce tableau que Jed essaie de terminer se nomme « Jeff Koons et Damien Hirst se partageant le marché de l’art »!
Jeff KoonsDamien Hirst
Le monde de l’art contemporain n’est heureusement pas exclusivement peuplé de ce genre de requins. L’art conceptuel, inauguré par Marcel Duchamp, permet aux artistes de représenter des idées philosophiques, sociologiques, poétiques, imaginaires, éphémères et ceci au moyen d’innombrables médias.
Le toit du GAM de Turin
La représentation, c’est l’idée que l’on se fait sur le monde, mais aussi la façon de communiquer cette idée personnelle. Ceci peut se faire par l’action, par l’image ou par l’abstraction.
L’allégorie de la caverne est une représentation de la démarche allant de l’ignorance à la connaissance:
« Figure-toi , écrit Platon, des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête ; la lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles. » Platon, La République, livre VII.
La caverne symbolise l’enfermement qui nous semble être notre savoir et qui n’est que notre opinion personnelle, nos croyances, nos valeurs fabriquées par notre éducation, notre société, etc. La philosophie (littéralement l’amour de la sagesse), ce questionnement permanent, est une issue pour en sortir.
3 réflexions sur “Michel Houellebecq (1958) § Représentation / La caverne”