Claude Cahun, Autoportrait, 1929
Claude Cahun, nom d’artiste de Lucy Schwob, est une photographe femme de théâtre et écrivaine française.
Elle est la fille d’un père journaliste et d’une mère de santé mentale fragile qui sombra dans la démence. Elle fut persécutée par ses camarades du lycée de jeunes filles de Nantes du fait de sa judéité, objet des polémiques liées au procès Dreyfuss. Dès 1909, elle vit une relation amoureuse clandestine avec Suzanne Malherbe jusqu’en 1917, année où son père se remarie avec la mère de Suzanne. Elles vivent alors ensemble à Paris lorsqu’en 1920, les premiers textes de Claude Cahun sont publiés au Mercure de France. Le pseudonyme est choisi pour brouiller les pistes de son identité sexuelle, tout comme Suzanne publiera sous celui de Marcel Moore.
L’oeuvre et la vie de Claude et Marcel:
http://www.revuedeslivres.fr/maris-et-femmes-1e-partie-claude-cahun-et-marcel-moore-terry-castle/

En 1930 est publié son premier livre, un essai autobiographique « Aveux non avenus ». Sa participation à l’association des écrivains révolutionnaires lui permet de rencontrer André Breton et le groupe des surréalistes. Elle participe avec eux à des expositions et écrit des articles contre le nazisme et le fascisme, mais n’en fera jamais officiellement partie.
Sur les rapports de Claude Cahun avec les surréalistes (et des extraits de textes):
http://revuesshs.u-bourgogne.fr/texte&image/document.php?id=189

En 1937, Claude Cahun et Suzanne (Marcel Moore) achètent une ferme sur l’île de Jersey. Pendant la guerre, la région est occupée par les allemands. Elles participent à la résistance en éditant des tracts signés « le soldat sans nom ». Elles sont arrêtées et condamnées à mort en 1944, une peine qui sera commuée en 1945, année de leur libération. Son carnet de note sur les années de guerre, se nomme le scrap-book, mais une grande partie de ses productions et de celles de Marcel Moore ont été perdues ou détruites lors de cette période.
Claude Cahun ne cesse de réinventer son identité au travers de ses autoportraits photographiques et joue sur l’ambiguïté des clichés du masculin/féminin.
« Neutre est le seul genre qui me convienne toujours » déclare-t-elle.

Elle se met en scène dans des costumes et des décors extravagants que ce soit en homme ou en femme. Elle réalise des photomontages, des assemblages d’objets. Des expérimentations très novatrices à cette époque. Elle a rompu les barrières entre art et politique et donné une place prédominante à l’érotisme et la sexualité féminine dans son oeuvre. Son activisme et sa place dans l’histoire de l’art ne furent étudiés et reconnus que dans les années 90. Elle et sa compagne sont enterrées à Saint-Hélier (Jersey).
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Kent Monkman, d’origine crie (cree) et irlandaise, est né dans l’Ontario. Il s’inspire de la culture amérindienne et propose sa propre vision de l’histoire officielle du Canada au sujet des peuples autochtones. Il réévalue donc la mémoire collective inscrite par les représentations officielles et illustre son propos en les revisitant. Son alter ego se nomme Miss Chief Eagle Testickle.
Il travaille sur les thèmes du désir, du genre, de l’histoire et de l’identité et examine les effets du colonialisme et du christianisme sur les peuples indigènes.

«J’ai toujours été fasciné de voir comment les musées ont officiellement montré les autochtones, dit Kent Monkman. Mon travail cherche à étudier les relations qu’ont eues les autochtones avec les Français puis les Anglais, et comment les traités ont été considérés.» Pour lui les tableaux des peintres des XIXe et XXe siècles ont faussé la vision que l’ont peut avoir de l’Histoire et du colonialisme canadien et étatsunien.

L’étude détaillée du tableau ICI :
La coutume indienne du Berdache «désignant l’homosexuel, le bisexuel, l’androgyne, le travesti, l’hermaphrodite ou l’eunuque » est associée aux hommes et aux femmes qui, dans certaines tribus amérindiennes, choisissaient librement d’investir le rôle social du sexe opposé en se travestissant et en accomplissant au quotidien les tâches de leur genre d’adoption. Ceux-ci sont aussi bispirituels.
Elle offrait une « médiatisation bienfaisante entre les sexes », déclare Miss Chief. Cette coutume, jugée inconvenante face aux principes moraux (et religieux) importés du vieux continent, a été occultée par la colonisation. Kent Monkman soutient que l’oppression raciale des tribus était accompagnée d’oppression sexuelle.

Pygmalion irlandais et Galatée indien?


L’oeuvre ci-dessus (première d’un cycle de quatre), réévalue la peinture des « Quatre continents » (1754), fresques du peintre rococo Giovanni Battista Tiepolo conservées en Bavière. Miss Chief domine la scène sur le crocodile, parodiant le cow-boy américain habituel. L’artiste s’approprie et remet en scène les allégories et le classicisme du siècle des lumières (XVIIIe).
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Un artiste qui peut surprendre par un style plutôt kitsch, mais dont l’oeuvre interroge sur des thèmes intéressants et profondément inscrits dans l’histoire de l’humanité.
La plus haute juridiction d’Australie a décidé en 2014 qu’une personne pouvait être reconnue par l’état-civil de « genre neutre ».
La bataille menée par Norrie, une personne qui ne s’identifie ni comme homme ni comme femme, a finalement abouti à la création d’un genre supplémentaire dit neutre. Cependant, la personne devra se soumettre à un examen médical pour obtenir ce statut.Le premier novembre 2013, l’Allemagne a été le premier pays européen a reconnaître un troisième genre, sexe « indéterminé », que les parents peuvent inscrire sur le certificat de naissance d’un nourrisson présentant une ambiguïté sexuelle. Un premier pas vers la reconnaissance des personnes hermaphrodites.

Certaines nations amérindiennes considèrent au moins quatre genres : hommes masculins, femmes féminines, hommes féminins, femmes masculines. Une avant-garde factuelle et spirituelle dont notre société pourrait s’inspirer!
Suggestion littéraire: L’histoire d’un be(a?)rdache candide qu’on appelle Cabane, métissé indien et blanc, et de son extravagant univers. Recherche des origines, critique des milieux chrétiens puritains, antagonisme entre natifs et colons, crudité d’expression, les thèmes de Monkman y sont. Ce roman démythifie le Far West, les personnages sont bien campés et l’intrigue, un peu fouillis, est drôle et vivante.
Une réflexion sur “Claude Cahun (1894-1954) / Kent Monkman (1965) § troisième genre”